Tower Of Karma

Unknown

Chapter 7

Chapter 8
Chapter 8 of 402
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Chapitre 7

« Hyu »

Des fragments d’argent blanc volent tandis que le saumon est tranché.

« Sh, huh, allons-y. »

Je ne fais que reproduire les techniques qui figuraient dans les premiers livres. Un livre, deux livres, trois livres, dix livres, plus j’en apprenais, plus j’en voulais. J’ai voyagé largement et profondément dans le monde des livres, j’ai pratiqué et sélectionné. Donc—

« Ha ! »

Beau et rationnel. Voilà l’épée de William. Une accumulation de savoir et de pratique.

C’est le moment où personne n’entraîne William à l’épée. Tard dans la nuit et à l’aube. Un entraînement qu’il suit depuis Arcass, une routine quotidienne qu’il n’interrompt ni les jours de pluie, ni sous la neige, ni même en pleine tempête.

« …… »

William sentit le regard posé sur lui.

« Wah »

Il essuya la sueur et tourna les yeux de l’autre côté. Lorsqu’il se retourna, la silhouette avait disparu de la fenêtre.

« … Me regarder comme ça, ça ne doit pas être si amusant. »

C’est ainsi tous les quelques jours. Le premier jour, il s’était fait repérer par Karl, Einhart et Laurent, mais Einhart et Laurent se lassèrent vite de se lever tôt, et Karl tenta bien de s’entraîner avec lui, mais finit toujours par retourner se coucher après ses veilles nocturnes. Ce qu’il restait, c’était—

(Rutgard… ?)

Depuis leur première rencontre, elle ne l’avait jamais regardé franchement dans les yeux, et même pour William c’était une interlocutrice difficile à gérer. Et maintenant, elle l’épiait en secret jusqu’aux premières heures, à le regarder s’entraîner. Sans doute ne se rendait-elle pas compte qu’il l’avait remarquée.

(On disait qu’elle était étrange. À quoi pense-t-elle ?)

Quand William détournait les yeux, le regard revenait. William continua un moment à balancer son épée, gêné par cette présence fixée dans son dos.

(Enfin, c’est tout pour aujourd’hui. Si j’y prête trop attention, j’y perds.)

« Allons-y ! »

Karl lançait son cri d’au revoir à sa famille. Laurent serra la main en souriant, Einhart passa brièvement la tête, et Rutgard restait penchée, le visage tourné vers le sol.

« William, prends soin de toi aussi. »

« Merci de votre sollicitude. »

William s’inclina profondément. Einhart ne s’intéressait pas à lui et évitait même de croiser son regard. Cette sécheresse le mettait presque à l’aise.

(Le problème, c’est…)

Quand William jeta un coup d’œil, son regard s’emmêla avec celui qui, tout à l’heure, avait vacillé.

« Hé !? »

Mais aussitôt, la ligne de vue se déroba précipitamment.

(… C’est Rutgard.)

Ce n’était plus un hasard : Rutgard fixait William. Pas ouvertement, mais en le dérobant. Et chaque fois que leurs yeux se rencontraient, elle détournait aussitôt le regard. Puis, après un moment, il sentait de nouveau ce regard posé sur lui.

(Ce qu’elle pense vraiment… je n’y comprends rien.)

Avec un cœur serré de sensations mêlées, William garda un visage impassible.

« Ah, c’est vrai, Rutgard a quelque chose à te remettre. »

Aux mots de Laurent, Rutgard sursauta. Se faufilant derrière sa mère et son frère, elle tendit un collier étincelant, orné en son centre d’un bijou d’un bleu écarlate. Le visage de Karl s’illumina.

« Wow, un saphir. Et quand la lumière frappe… comme je m’en doutais ! »

Une beauté qui captivait même William. Sous la lumière, il devenait encore plus splendide. Ce joyau était d’une merveille inédite pour William, pourtant habitué aux affaires : six lignes de lumière scintillaient comme une poussière d’étoiles. L’orfèvrerie d’or qui l’entourait était, elle aussi, délicate et superbe. Impossible d’en estimer le prix.

« Un saphir étoilé… Père ? Tu comptes le vendre ? »

« J’ai acheté la pierre, et le travail d’orfèvrerie est de Rutgard. Ça fera un bon talisman, mais si je ne le fais pas payer un peu, je perdrai mes bénéfices. »

« Un peu »… Le visage de William se crispa une seconde. À vue de nez, ce bijou lui semblait pouvoir acheter une maison à Arcass. Ici, dans le quartier noble, ce ne serait pas tout à fait suffisant, mais l’idée restait la même.

(Avec ça, on pourrait vraiment se construire une grande maison…)

Même pour un noble, ce n’est pas le genre de chose que l’on se procure avec « un peu » de marge. Enfin, pour le fils aîné appelé à mener, on pouvait le comprendre.

(… Être premier, oui, un tout autre premier. C’est un champ de bataille qui n’a rien à voir avec les simples escarmouches de Laconia. Inutile pour un simple poste de garnison.)

Alors qu’il réfléchissait ainsi,

« Oh. »

Rutgard se trouvait soudain juste devant lui. William sursauta. En écho, Rutgard se raidit aussi.

« Hm, Rutgard ? »

Laurent sourit en voyant William se troubler devant ce présent.

« Elle disait qu’elle avait quelque chose à te donner. C’est pour toi. Bien sûr, le dessin de la monture est de la main de Rutgard. »

Rutgard le lui présenta, les yeux rivés au sol.

« Hein, pour moi ? »

William le dévisagea, stupéfait. Sa voix tremblait.

« Ça ne te plaît pas ? »

« Si, non ! C’est plutôt que… recevoir d’un coup quelque chose d’aussi précieux ! »

Devant William brillait un joyau cramoisi. Une monture d’argent blanc l’enveloppait. Rien que l’orfèvrerie en argent dépassait largement la portée d’un simple citoyen. Et ce joyau cramoisi—

« Oh, un rubis ? Père ne plaisante pas. »

La surprise d’Einhart n’avait rien d’étonnant. À cette époque, le rubis était, juste après le diamant, une pierre d’un prix exorbitant, sans commune mesure avec le saphir. Sa rareté, introuvable dans les territoires des Sept Royaumes, en faisait monter la valeur.

« Hum, celui-là vient des affaires de Rutgard. Mais elle a insisté : c’est ce qui ira le mieux à William. Elle dit qu’elle peut bien vendre le reste de ses bijoux— »

Rutgard coupa son père, le visage rouge écarlate. Laurent se tortilla et secoua la tête.

« Prends-en soin. Celui de Karl était prévu depuis longtemps, mais pour le tien, elle s’est dépêchée. Rutgard a préparé le dessin dès le lendemain de votre rencontre, elle a peut-être veillé toute la nuit. Ce serait rude de le refuser. »

William ne savait plus quelle expression adopter. Quand il tendit la main, tremblant, ses doigts effleurèrent ceux de Rutgard ; elle se figea, mais lui n’eut même pas la présence d’esprit de réagir. Un rubis de cette taille, de cette couleur, de cette coupe… rien qu’avec la pierre, on pouvait bâtir une maison dans ce quartier.

(Tout ça pour quelqu’un qu’elle connaît à peine ?)

William leva les yeux vers Laurent. Laurent lui répondit par un sourire tranquille.

(… Un investissement sur ma personne ? C’est largement surestimé.)

William referma la main sur le bijou. Une chaleur brûlante, comme si le feu lui-même s’y condensait, lui traversa la paume. Une pierre reste inerte, sans volonté propre. Pourtant, au-delà de sa rareté, de sa valeur immense, au-delà du nom de rubis, il y sentait quelque chose de brûlant et de glacé à la fois.

« Merci, Mademoiselle Rutgard, Monsieur Laurent. Je saurai être à la hauteur de vos attentes. »

Être à la hauteur de leurs attentes. Sans doute celles de Laurent, qui voyait en lui un gardien pour Karl. Il avait déjà l’intention de le protéger même sans recevoir un tel présent, mais ce collier scella sa résolution. Aux yeux de Laurent, Karl valait davantage encore que ces pierres. Le perdre, et c’est tout un avenir qui s’effondrerait.

« … Ah, toi, tu as de la chance. »

« Hein ? Oui. »

(Mais… je ne comprends pas Rutgard. Que cherche vraiment cette femme ?)

William ravala son trouble intérieur tout en répondant. L’intention de Laurent était limpide : protéger Karl, et à travers lui, les intérêts de la maison Taylor. Mais celle de Rutgard, il ne la comprenait pas.

« Hmph, moi aussi, c’est une pierre artificielle. »

Rutgard martyrisa Einhart qui venait de lâcher cette remarque lourde de sous-entendus. Einhart se replia en grommelant. Rutgard détourna les yeux, les joues toujours rouges.

« Bon, allons-y, William. »

« Oui, Karl. »

Ils regardèrent vers le sud, les bijoux qu’ils venaient d’échanger autour du cou. De là, on ne voyait rien, mais au-delà du ciel, Laconia s’apprêtait à devenir un champ de bataille féroce.

(Enfin, l’occasion se présente. Si je soutiens un noble—Karl—je gravirai les échelons naturellement. S’il progresse, je progresserai. Pour l’instant, je resterai dans l’ombre, et j’accumulerai. Un jour—)

William et Karl se mirent en marche. Nul ne savait ce qui les attendait.

« Je te confie Karl. »

D’un ton doux, mais en appuyant ses mots comme un avertissement, Laurent interpella William. « Bien sûr », répondit William avec un sourire.

(Je vous laisserai aussi m’utiliser. Oui, c’est très bien ainsi.)

Le rubis cramoisi qui oscillait sur sa poitrine renvoya une lumière ardente. Il reflétait parfaitement le cœur enflammé de William.

« … Très bien. »

Quand les deux furent assez loin pour qu’on n’entende plus leurs voix, Rutgard s’affaissa. À ses côtés, Laurent afficha une expression troublée.

(Que va réellement apporter sa présence à notre maison ?)

Médicament ou poison, même Laurent ne pouvait le dire.

« Au fait, Karl. »

Alors qu’ils marchaient à travers la ville, dépassaient le quartier noble et franchissaient la porte—

« Hm, quoi ? »

William posa enfin la question qui le taraudait le plus.

« Que fait exactement la famille Taylor ? Je ne vois que cette histoire de guilde commerciale. »

Les affaires de la maison Taylor. La demeure n’était pas démesurée, mais leur aisance sautait aux yeux. Pouvoir offrir une chaîne de rubis de cette taille comme si de rien n’était avait de quoi intriguer.

« On coordonne une association de métiers liés à la joaillerie et à la mode. On achète de l’or et de l’argent, on fabrique des bijoux, et nos designs sont plutôt populaires. Rutgard est même une créatrice assez en vue. Même si, en tant que père, voir ma fille travailler comme ça me laisse un peu mitigé. »

Une révélation surprenante. William comprit enfin. La maison Taylor devait rassembler plusieurs des joailliers et marchands de vêtements dont il avait entendu parler. Ce n’était pas une simple maison aisée. Dans ce secteur, les profits étaient tels que—

« Je vois… c’est impressionnant. »

La réaction de Karl trahissait un sentiment plus nuancé.

« Ce n’est pas grand-chose. L’histoire de la maison ne remonte qu’à mon grand-père, et on n’a aucun prestige martial. Parmi les nobles, on est de ceux qui viennent du commerce. »

(… Une noblesse de second rang, oui, mais sans doute parmi les plus riches. La famille Taylor, si dénigrée…)

William mesura une fois de plus l’envergure réelle de la maison Taylor.

(Bon, au moins, ce n’est pas un simple baron fauché. Ça me rassure un peu.)

La cible restait lointaine. Pour commencer, à Laconia, il lui faudrait s’illustrer par les armes.

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