Tower Of Karma

Unknown

Chapter 10

Chapter 11
Chapter 11 of 402
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Chapitre 10

« Des raids de l’Est par l’Ouest ! Probablement— »

« Strakless. »

Un traîneau et un grand homme qui redresse un lourd bassin. Enveloppé d’une armure blanche, la silhouette est celle d’un vétéran de guerre. Comme une copie du dieu de la guerre sortie tout droit d’un tableau. C’est cet homme,

« Général Valdias, adjoint ! »

Valdias est pressé.

L’homme donne une forte impression de colosse, bras sur bras, mais les batailles de cet homme ne connaissent pas la défaite. Son « combat lourd » se caractérise par l’assénement immédiat d’un coup écrasant au premier instant où l’adversaire se découvre et se laisse distraire. Ainsi Valdias s’est taillé un nom de général de premier plan en Arcadia.

« Toujours en noir et or. Toujours aussi inconstant. »

« Et toi, toujours aussi impatient. »

Alors même que le siège faisait rage, se dessinait une scène qu’on eût dite impossible : les généraux de premier rang se faisant face à cheval. Sans doute seuls ces hommes et leurs adjoints avaient-ils prévu une telle rencontre.

« Il n’y a pas de vice-général. Je suppose qu’il commande probablement à Laconia. »

« Hm. »

Valdias répond. Même dans ce simple grognement, on perçoit toute sa pesanteur.

« … Ostberg abandonnerait donc Laconia ? »

« Qui sait. Moi, je ne suis qu’un soldat. Par principe, je ne me laisse pas englué dans la politique. »

Les deux généraux abaissent leurs heaumes en forme de tête de loup. On ne voit pas leurs visages, mais la pression entre eux ne cesse de grimper.

« Hm. Kimon serait donc un tel soldat ? Laconia n’est pas encore tombée, Gahaha. »

« C’est justement parce qu’il est capable qu’il perçoit ce que la négligence a de mortel. Toujours aussi inconséquent, Strakless ! »

Les forces des deux camps crépitent d’étincelles. Moins d’une centaine de cavaliers au total. Mais la chaleur qui s’en dégage égale celle de la bataille précédente, voire la dépasse. Ni parade, ni simple échauffement.

« Tu ne veux pas vérifier de plus près, Valdias ? »

Les deux camps s’élancent en même temps. Des chevaux lancés à pleine course portant de grands hommes. Valdias manie une lourde hache, Strakless un grand sabre. Chacun brandit des armes qu’un homme ordinaire serait incapable de soulever.

Ils se croisent.

« Hm, oh !? »

Les cris des subalternes des deux armées se mêlent en grondant.

« Guha ! »

« Nun ! »

Les deux hommes enchaînent les passes d’armes. Vitesse et puissance inouïes. Leur niveau dépasse si largement celui des soldats lambda que technique et expérience suffisent à balayer tout le reste.

Le blanc et le noir dansent. C’est un duel sans interférence possible. Comme toujours. Valdias et Strakless se font face. Il serait insensé de se jeter entre eux. Aucun imbécile de ce genre ici. Qui le ferait déclencherait aussitôt une mêlée générale entre les deux forces. Et, bien sûr, l’idiot serait le premier à se faire trancher.

Le face-à-face reste un contre un parce que nul autre ne peut approcher.

« Comment se fait-il que tu t’en tires ? »

« Désolé. Il y en avait plus que prévu. »

Endurance. Vélocité. Masse écrasante.

« Ah, enfin. Maintenant que les nuisances sont réglées, je vais pouvoir savourer ! »

« Toi qui as souillé le champ de bataille de ta comédie, tu vas mettre genou à terre ! »

Leur force respective s’entrechoque avec plus de violence encore.

Au sommet de la muraille extérieure. Au bout de l’escalier de cadavres, une mare de sang s’est formée. Celui d’Arcadia, celui d’Ostberg, accumulés couche après couche. La source s’approfondit à mesure que les vies se consument. Quel que soit le vernis de romantisme qu’on y mette, le champ de bataille reste le lieu où l’on brûle des vies. La justice de chacun s’y croise pour mille raisons. Le terrain se complique. Mais la vérité—

« Fu-jur-lu-woo… »

—est plus simple que tout. Ici, une seule loi domine, quels que soient vos idéaux.

« Ah, ah, ah ! »

La force, seulement. Comme pour en donner corps, une bête s’est perdue sur le champ de bataille des hommes.

Un joyau écarlate tombé de sa poitrine scintille, comme pour annoncer le destin sanglant de la bête.

Le corps est mince et souple. Des muscles nerveux le tendent, des crocs affûtés veillent derrière ses mouvements légers.

« Distordu. Et… »

Au regard de l’homme qui voit cette bête, se révèle une nuée de spectres agrippés à elle. Image, certes, mais qui traduit l’essence de l’être humain. On pourrait parler d’aura : une projection nette de cet esprit déformé. Un monde atroce, dément, à contempler.

L’esprit jalouse le corps. Alors il surcompense.

« —Puissant ! »

« Oh, oh, ah ! »

Une bête blanche bondit devant l’homme. Quatre membres frappent le sol à toute allure. Sans raison ni hésitation. Elle agit parce qu’elle en a envie, rien d’autre. Et c’est bien là le problème.

« Halte. »

Sur un seul mot, la bête est arrachée à la mêlée qui se presse. Elle n’aura pas de public.

Les hommes ceinturent l’homme et la bête, dressant un mur de grands boucliers. À l’extérieur, les hommes de l’homme contiennent ceux qui ont perdu la raison. Dispositif parfait.

« Voyons ce que tu vaux. »

L’homme accepte les crocs qui fondent sur lui. À un niveau ordinaire, il aurait pu mourir un bon millier de fois déjà. Si la bête continue de l’attaquer, c’est que l’homme possède bien plus de force qu’elle.

« Gurururuu… »

Dès qu’elle comprend, droite devant lui, qu’elle ne peut le vaincre ainsi, la bête prend appui sur le bouclier et se jette vers « le haut ».

« Hmpf, tu prends le ciel !? »

L’être humain est vulnérable aux attaques plongeantes. Plus on est rompu au combat au sol, plus ce type d’assaut surprend. C’est justement pourquoi c’est un point vital : la maîtrise du ciel est un enjeu pour les guerriers.

« Bien. »

L’homme sourit. Son histoire guerrière ne doit rien à l’ordinaire. Il sait où se situent les points cruciaux et s’y prépare. Il sait répondre aux mouvements rares. Dès lors, aucune ouverture.

« Wôô ! »

Mais la bête n’est pas naïve. Non, si elle mérite ce nom, c’est précisément parce qu’elle a abandonné toute douceur. Parce qu’en reniant l’humain, elle se livre entièrement à l’instinct. Et l’instinct connaît intimement les points faibles de l’homme.

Elle vise les jambes. Une attaque fulgurante contre la cheville, partie d’une position incroyablement basse pour qui marche sur deux pieds. Pour un bipède, tout se joue à la fraction de seconde.

« Encore maladroit. »

L’homme abaisse son épée jusqu’au sol pour parer. Bloquée par ce second tranchant, la bête lâche aussitôt prise sans hésiter. Il lui reste encore ses griffes pour déchirer la chair et ses crocs pour briser l’os. Amaigrie, elle se projette vers la gorge de l’homme—

« Je t’ai dit d’arrêter de gigoter ! »

L’homme saisit la nuque de la bête et, de sa main libre, frappe son ventre à s’enfoncer.

« Gyaaah ! »

La bête tournoie en éclaboussant de sang. Elle s’écrase sur les pierres et se tord de douleur.

« Ce n’est qu’une bête, en fin de compte. »

L’intérêt se dissipe dans le regard de l’homme. L’évaluation est presque achevée.

« Si tu veux voir des bêtes, il y en a plein aux loges et dans les arènes. Elles sont fortes, oui, mais ça s’arrête là. Jamais elles ne touchent à la véritable voie du guerrier. »

La bête n’entend pas les paroles de l’homme. Elle répète seulement « Je veux, je veux », en boucle. L’homme soupire. Il ne voit pas là l’œuf d’un guerrier. Juste une non-personne.

« Il sera déçu. Je pensais trouver quelque sens à cette petite cérémonie. »

Il a déjà perdu tout intérêt. Au moment où il se tourne vers les autres pour expédier les corvées restantes—

« Eh bien, eh bien. Qu’est-ce que tu fabriques ? Qu’est-ce que tu veux faire ? »

D’une voix dérangeante, l’homme se tourne vers la bête.

« Woo, j’ai peur. Elle me fait peur. »

« Oui, grande, forte, noire… cette brebis est effrayante. »

Un sourire se dessine sur le visage de l’homme.

« Oui, j’ai peur. »

Un jeune homme aux cheveux gris se redresse. L’atmosphère change du tout au tout ; son apparence reste la même, mais quelque chose s’est retiré. Et, en même temps, quelque chose d’inimaginable apparaît aux yeux de l’homme : une aura semblable à celle des êtres qui ont tant accumulé.

(Qu’est-ce que c’est que ça ? Je n’ai jamais vu une « chose » pareille.)

Le spectacle reflété dans ses yeux : l’aura qui devrait n’être que celle du jeune homme gris. Une fraction de cette aura se déchaîne, s’entortille en une tresse. Toutes évoquent la mort, sauf une. Une seule, comme pour protéger le garçon, prend l’apparence d’une jeune fille aux cheveux noirs le serrant avec tendresse.

Une entité indépendante, qui n’intervient pas. L’homme n’a jamais rien ressenti de tel chez autrui. En toute sa longue vie, il n’a jamais contemplé une vision aussi incompréhensible.

« D’accord, d’accord, mon petit. Je te protégerai. »

« Pardon… merci, Arlette, merci, Heye. »

Et l’homme qui chante seul est lui-même un amas d’anomalies. Il fait entendre deux voix à lui seul, dialoguant comme si elles étaient deux. Non, peut-être dialoguent-elles vraiment.

« … »

Au bout du regard de l’homme, il voit le souffle du jeune homme se faire happer par les lances. Tout « normal » pris là-dedans perdrait son ego et sombrerait dans la folie. Il en a vu des cohortes, au front, dans l’arène, dans les loges de spectacle, dans les terres mortes.

« Ce gamin n’est pas fort. C’est un froussard, un pleurnichard, fragile ; il ne dort pas sans berceuse. Mon précieux trésor. »

Un essaim de papillons noirs. Et pour les guider, la jeune fille aux cheveux de jais. Elle serre le garçon, le couvre, le protège. Elle entrouvre doucement les lèvres.

« Qu’ils volent, s’ils veulent voler. Qu’ils tuent, s’ils veulent tuer. Qu’ils m’abattent, s’ils me haïssent. Même si je rampe et lève les yeux vers le ciel, Dieu ne me donnera rien. Alors vole, alors tue, alors ravage, mon tout petit trésor : massacre ce monde fou qui nous a tout pris. »

Malgré le ton doux de berceuse, les paroles, comme l’atmosphère, débordent de désespoir, de douleur, d’une noirceur sans fond.

Boue et sang en fusion. La prêtresse pleure des larmes de sang. L’adolescent aussi pleure.

Le rubis qui oscille cristallise chagrin, désespoir, haine, rage, et resplendit avec une beauté cruelle. Ce rouge profond, incarnation même du jeune homme, ne cesse de briller dans cette scène de déraison.

« Ufu, c’est magnifique. Parfait pour ça… »

L’atmosphère de la jeune fille noire change. L’homme le sent, mais ne peut prévoir son prochain geste.

Elle bondit vers les porteurs de boucliers formant la muraille, arrachée à sa mélancolie. À peine s’arrêtent-ils qu’elle glisse ses mains entre leurs boucliers et dérobe une épée. Même lui ne peut dissimuler sa surprise devant cette rapidité.

« Je suis une simple amateur, voyons… »

Et elle danse, et d’un geste fauche les cous des deux hommes à ses côtés. À cet instant, tous les sourires intérieurs éclatent à l’unisson. Un cœur noir qui se réjouit de la mort d’autrui, comme on accueille un ami. Manifesté.

« Deux fils, deux fois plus de force… ou autre chose ? »

L’homme plisse les yeux, sur ses gardes. Une aura déborde de son corps.

En la voyant, le jeune homme pâle, manipulé par la jeune fille noire, plisse lui aussi les yeux.

« … Hm, grand mouton noir. Tu es fort ? »

Autour de l’homme, s’élève quelque chose de différent, semblable à un loup. Un mouton noir aux deux cornes. Tout guerrier aguerri qui l’affronterait percevrait une chose de ce genre.

« Le Mouton Noir Kimon. Kimon von Günter. Souviens-toi de ce nom, monstre ! »

Ainsi lui fut donné ce surnom : « le Mouton Noir ».

« William Liwyus… c’est le nom de “nous”. Nous avalerons le monde, nous le retournerons, nous le prendrons ! Nous avons soif, faim, c’est insupportable ! »

« William » se met en mouvement. Il brandit l’épée volée et se rue sur l’homme nommé Kimon. Un jeune homme aux cheveux rouges hurle dans un coin de son esprit. Chœur dément de jalousie.

Un éclair frôle la gorge de Kimon.

« Tu pensais vraiment pouvoir m’atteindre ? Je me nomme Kimon. Je suis le plus fort du royaume d’Ostberg, bras droit du général Strakless. Tes velléités… bien trop légères, et amusantes ! »

Le coup d’épée de Kimon balaye d’un seul geste le corps et l’âme de « William ». Lame contre lame, les deux épées se brisent, et leurs auras voient leurs ailes arrachées. Ce qui reste—

« Ah, je n’ai pas gagné. »

L’image de la jeune fille noire et celle de l’homme qu’elle contrôlait, « William », se ressaisissent aussitôt ; avec son épée brisée, il dévie le tranchant de Kimon. Mais la force du choc le projette à terre sans qu’il puisse encaisser.

« Alors passons à la stratégie numéro deux. »

Là où il chute se trouve l’épée que William avait laissée tomber plus tôt.

« Tu pensais m’offrir ta tête ? »

D’un regard, Kimon ajuste sa garde. William lui sourit—

« Je ne peux pas gagner, mais je peux encore me battre. Alors je vais fuir. »

Il bondit en arrière. Tourne sur lui-même, et en passant décapite un officier sur le rempart. Un mouvement que personne n’attendait. Pas même Kimon.

« Alors goûtez. Je n’ai plus qu’à vous dévorer… »

William virevolte, comme pris dans une ronde. Il cueille les vies comme on cueille des fleurs. Tragédie, sous un sourire doux et un rubis insolent.

« Écartez-vous ! Ouvrez un passage ! »

L’ordre de Kimon ne vaut rien face à cet être hors norme.

« Par ici, là-bas… »

Ici, l’espace est saturé de corps. Pour un homme ordinaire, se mouvoir est impossible. Mais William trace seul sa voie. Laissant derrière lui une traînée de coquilles vides.

« Tu es plus fort, mais enchaîné. Nous, nous passerons au-dessus. Quand on est dépassé par ses amis, ses règles, ses lois, sa morale… quelle absurdité. »

William atteint le bord de la muraille extérieure. Rouge du sang, rouge du rubis, ensorcelants sous son sourire paisible.

« C’est un cul-de-sac. Cette fois, je te tranche ! »

Bousculant ses propres hommes, Kimon, fou de rage, se rue sur William.

« Voilà la logique courante, oui. Ce gamin finirait par s’y plier. Il est timide, fragile, mais… travailleur, obstiné, et surtout… capable d’aimer. Oui. »

À ces mots, William bascule en arrière, au-delà du parapet.

« Hein !? »

Le vide. Au pied de la muraille, le sol. Une chute et c’est la mort à coup sûr.

« On se reverra. Ce jour-là, la fille te dévorera, et tu deviendras une part de nous. »

L’essaim de papillons éclot d’un coup. En lisière de cette vision, Kimon voit les lances de ses propres hommes.

« Attends ! »

Le geste de Kimon reste suspendu dans le vide. William, happé par la gravité, disparaît au-delà du mur.

« Tch. »

Kimon se hisse au bord du parapet et regarde en bas. L’armée arcadienne rugit ; l’agitation cache le sol. Impossible de distinguer un corps. Mort ou vivant, rien ne se voit.

L’affronter, c’en serait fini. Tomber d’ici, on peut encore s’en sortir.

« Je ne sais pas s’il est mort… »

Un pari avec sa propre vie. Mauvais calcul, statistiquement. Pourtant, c’était l’option avec le plus de chances de survie. Extrême absurdité, poussée par une rationalité froide. Si l’on fait taire toutes les émotions, on ne peut qu’en venir à miser sa vie ainsi.

« Transmettez à toute l’armée : cette bataille est perdue. »

Un ordre arraché avec peine. Le rôle de Kimon est désormais de limiter les dégâts de cette défaite. C’est pour cela que ce n’était, à leurs yeux, qu’une cérémonie. Comme Valdias l’avait deviné, cette bataille pour Laconia n’était qu’un théâtre.

Les subalternes, à l’ordre de repli, se mettent aussitôt en mouvement pour sauver leur peau.

« … »

Seul, les yeux toujours tournés vers le bas, Kimon pense à l’adversaire qu’il a affronté. Radicalement différent de tout ce qu’il avait croisé jusqu’ici, impossible à jauger avec ses repères. Difficile d’imaginer jusqu’où il grandira.

« Seigneur Kimon, nous devons partir. »

Un soldat l’interpelle. Kimon hoche la tête en silence et détourne enfin le regard du pied du mur.

« … »

Il tourne les talons pour ordonner la retraite. Un pas, deux pas—

« À bientôt. »

Un frisson glacial lui parcourt l’échine. Une voix soufflée à l’oreille, venue de « derrière ». Kimon se retourne : personne.

« … Il s’en est tiré. Et j’ai peut-être laissé filer quelque chose de terrible. »

Kimon est convaincu que « William » est vivant. Et il ressent déjà l’inquiétude d’un futur où cet être pourrait peser sur lui-même, sur Strakless, sur tout Ostberg.

« On dirait qu’ils se retirent proprement. »

« Kimon est compétent. »

À mesure qu’ils s’échangeaient des coups et voyaient la fortune tourner, les deux hommes avaient pris leurs distances l’un de l’autre, comme d’un commun accord. Valdias et Strakless sentent tous deux la fin de la bataille poindre.

« On les poursuit ? »

« Inutile. On les rattraperait à peine qu’ils seraient déjà hors de portée. »

« Gach ha ! Grâce à toi, je me suis un peu amusé, cette fois ! »

« Une cérémonie reste une cérémonie. »

« Toujours aussi buté. Bon, je n’en suis pas sûr encore, mais je peux affirmer une chose. »

« … ? »

Valdias lève un sourcil devant le sourire malicieux de Strakless.

« Les temps vont changer ! Un âge qui nous est inconnu arrive ! »

Strakless écarte les bras et s’écrie avec jubilation. Malgré la distance, sa joie se transmet. Valdias garde le visage impassible.

« Et qu’as-tu donc trouvé, dans cette mascarade ? »

« Plusieurs choses. Pas seulement dans cette bataille. »

Sur ces mots, Strakless manie avec adresse les rênes et fait pivoter son cheval.

« Restons en vie, que l’on ne se rate pas. »

« Je ne me laisserai pas emporter par le courant. S’il dérive, je le trancherai aussitôt. »

« Gahaha ! À la prochaine ! »

Son dos qui s’éloigne est trop plein d’assurance pour un général vaincu.

« Une nouvelle ère, hein. Imbécile. »

Mais Valdias, lui aussi, ressent un présage. L’intuition qu’un basculement s’annonce. Que la chute de Laconia n’est qu’un signe parmi d’autres—

Jusqu’ici, Laconia n’était jamais restée plus d’une décennie sur la carte, quel que soit son seigneur. C’était la règle tacite de son histoire. Et pourtant, il venait d’être décidé qu’Arcadia conserverait cette terre bien plus longtemps. Une première, autant pour Arcadia que pour Ostberg.

L’équilibre penchera-t-il vers Arcadia, ou vers Ostberg ? Nul ne le sait encore.

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