Tower Of Karma

Unknown

Chapter 35

Chapter 24
Chapter 24 of 402
Loading...

Chapitre 35

« Ah ha ha ha ha ha ha haha ! Ça brûle. C’est magnifique ! »

Rudolf riait en regardant Frandelen en flammes. Il y avait même un toit sur le grand chariot mobile. Là-haut, Rudolf errait comme s’il observait cet enfer dans une comédie.

« C’est un grand luxe d’admirer le coucher de soleil tout en regardant les seins. Et on voit rarement un coucher de soleil aussi beau. Le ciel flambe rouge. »

Rudolf était heureux. Au final, Rudolf ne pouvait rien faire, ni pour sa propre victoire ni pour sa propre défaite. Certes, William s’était révélé dangereux, mais encore dans les limites du prévisible. Wolff n’était qu’une pierre de touche, une mesure pour évaluer William.

« Hm, quelle tête vont-ils faire ? Le “Maître d’épée” Willibrand et le “Démon de l’Épée” Christophe, à quoi ressemblera la tête d’Arcadia, après avoir perdu ces deux-là ? Rien que l’imaginer… c’est délicieux, je n’en peux plus, j’ai vraiment bien travaillé, ma “Faucheuse” ! »

Au vu de cette mesure, William n’était pas à la hauteur de ses attentes. En revanche, Wolf les surpassait. Pour cette fois, ce résultat pouvait lui convenir. Ce qu’il y avait de mauvais chez Wolf, c’était Wolf lui-même. Ce n’était pas un mal, mais l’aboutissement de la lutte réciproque.

« … La prochaine fois, en revanche, je gagnerai. »

Le sourire s’effaça dans les yeux de Rudolf. Même s’il s’amusait, le fait d’avoir été sali ne disparaîtrait pas. William était en deçà de ce qu’il avait imaginé. Mais il restait suffisamment dangereux dans le cadre de cette imagination. Wolf, lui aussi, continuerait sûrement de grandir. Certains talents pourraient devenir des étoiles brillantes comme Uwayne et Gilbert. Un jour, tant le blanc Arcadia que les mercenaires noirs se dresseraient peut-être devant Rudolf, avant Nedelks.

À ce moment-là, Rudolf…

« Le blanc et le noir seront choisis avant le bleu— »

Rudolf lança sa monnaie vers le ciel. Sans la regarder, il se détourna de Flanderen.

« —Sans recours. »

Ainsi Rudolf retourna au lit, là où l’attendaient ses seins.

La pièce de monnaie tournoyante tomba du grand chariot et s’écrasa au sol. Ni face ni pile. Une situation sans noir ni blanc. Le troisième, le bleu, vacille entre les deux.

Le Fils de Dieu, « Bleu Takako » Rudolf Les Harsburg. Rares sont ceux qui, aimés de Dieu, connaissent sa véritable puissance. Et ceux qui la connaissent, même monstres, ne s’opposent pas à lui. Les hommes ne peuvent vaincre Dieu. Au Fils de Dieu est promise la conquête du monde.

« C’est la femme la plus forte que je connaisse. Force, vitesse, technique, tout est à un niveau élevé. La deuxième, c’est toi, Nika. »

Nika donna un coup de pied dans le dos d’Uwayne pour cacher son embarras. Le « savant en boulettes » s’écrasa face la première contre le sol. Cette fois, il n’avait rien d’impressionnant.

« Mais ça, ce n’est que sa face publique. Une chevaleresse qui essaie de jouer aux grands généraux. »

Anatole contemplait Frandelen en flammes d’un regard empreint de solitude.

« Sa véritable nature est autre. Les mots “cruauté”, “impitoyable”, sonnent obscènement, tant ils sont en deçà. Une pulsion de massacre qui ne fait que lacérer, déchirer. Elle perd la raison, et tant que tout n’est pas tué, elle ne met pas fin à la boucherie. »

Dans l’esprit d’Anatole se dessinait l’image de cette fille qui haïssait son propre être, rendue folle, s’efforçant désespérément de devenir quelqu’un d’autre. Mais au final, la nature d’un être humain ne change pas. Il existe certes des talents innés. Dans son cas, c’était simplement celui de tuer.

« Reinberga Li Palizida. L’une des “Trois Chevaliers” et celle qui porte le “Noir”. Reinberga la “Faucheuse”. Au combat, il n’y a rien d’humain en elle. Seule subsiste la pulsion de tuer. »

Ce n’est pas un art de la guerre, mais un génie du meurtre pur. Un monstre qui fauche les vies humaines.

« Il n’existe rien de supérieur à cette personne. »

Anatole l’affirma. La noble Reinberga, censée être une chevaleresse, était également forte dans ce rôle. Plus forte que lui. Mais Reinberga revêtue d’une armure noire, incarnant la déesse de la mort, relevait d’une autre dimension. Même tenter une comparaison de force en devenait dangereux.

« Qui pourrait vaincre un monstre pareil ? »

Devant la mort, les hommes sont impuissants.

« Lâchez-moi ! J’y vais ! »

Gregor et Anselm retenaient Gilbert désespérément. Ils avaient aussitôt senti que quelque chose clochait. Impossible de ne pas remarquer un changement d’atmosphère aussi lourd. Pourtant Gilbert ne bougeait pas, parce qu’il faisait confiance à ces deux-là. Cette fois, cette confiance coûta la vie aux deux et sauva celle de Gilbert.

« Ça ne sert plus à rien de reprendre Flanderen ! Il ne reste ici que des ruines. L’unité principale attaquée n’a pas pu survivre à ça. C’est l’enfer, voilà ce que c’est. »

Ignorant la voix d’Anselm, Gilbert tentait quand même de se jeter au combat, avec pour seuls soutiens les deux frères d’armes et les jeunes à ses côtés. Dans son état, s’il fonçait, les flammes le happeraient.

« Renonce, Gilbert. Qui pourrait être encore en vie dans ce brasier ? »

Des larmes affluèrent aux yeux de Gilbert. Il serra les dents, jusqu’à ce que le sang coule au coin de sa bouche.

« Désolé… tellement désolé. »

D’une voix pleine de tristesse, Anselm secoua la tête.

« Ah… ah, ouais ! »

La nièce de Gilbert fut engloutie par un coucher de soleil rouge et solitaire.

Personne ne vit la bouche d’Anselm se tordre de façon anormale en regardant Gilbert et le tableau d’enfer devant eux.

Reinberga pleurait dans la mer de sang et de viscères, parmi les broussailles en flammes.

La silhouette du monstre qui coupait les hommes en dansant, ce sourire tordu qui fauchait les vies comme du foin, avait disparu. À la place, il n’y avait plus que regrets, haine, dégoût de soi. Une soif de meurtre qui avait emporté même les innocents.

« Pardon, pardon, pardon… »

Reinberga tremblait en sanglotant.

Reinberga ne pouvait contrôler l’être en elle qui devenait la Faucheuse.

Elle avait grandi dans une famille de bourreaux. La mort y était familière, non un tabou, pour cette lignée qui en vivait depuis la fondation du royaume. La famille royale avait jugé approprié de faire de leurs descendants les hôtes de la « Faucheuse », par paire avec le Fils de Dieu, et de leur imposer un certain rituel. Dans l’attente du Fils de Dieu, ils avaient recréé le mythe dans un monde après la mort des dieux.

À cinq ans, elle commit son premier massacre. Quand elle avait repris conscience, ses deux petits frères adorés étaient morts. Reinberga, couverte de sang des pieds à la tête, jouait avec leurs restes comme avec des jouets. On raconte qu’elle tenait sa faux en sanglotant, et que les os qu’elle avait envoyés valser plusieurs fois avaient ébréché la lame.

« Papa, je me suis laissée emporter. »

Même ceux qui vivaient de la mort furent terrifiés par Reinberga, qui disait cela avec une telle désinvolture.

Depuis, Reinberga fut enfermée, mais même ainsi, elle renversait toutes les tripes des repas, les disposait dans sa chambre, et parvenait à découper les gens proprement alors même qu’on ne lui laissait rien de tranchant. Les incidents atroces se succédaient sans répit.

Finalement, le clan, jugeant Reinberga hors de contrôle, décida de l’exécuter. En secret, ils organisèrent au sein même de la lignée des bourreaux une exécution privée. Et…

« Waouh. C’est plutôt joli. »

Le clan Reinberga fut anéanti. Ceux qui avaient tenté de l’exécuter furent exécutés à leur tour. Plus misérablement, plus brutalement encore. La scène qui s’offrait là condensait toutes les fautes et toutes les horreurs. C’était l’enfer.

« Tuez. »

Ensuite, recueillie par Rudolf, Reinberga apprit raison et bon sens, et fut comptée parmi les Trois Chevaliers. Son talent martial était exceptionnel, et avec Rudolf comme protecteur, elle gravit les échelons plus vite que quiconque.

Mais au fond, rien n’avait changé. Rudolf ne cherchait pas à la changer. Au contraire, ce qu’il voulait, c’était la « Faucheuse ». Il désirait ce monstre né pour tuer les hommes : Reinberga la Faucheuse. Et cela, pour elle, était une autre vérité cinglante.

« Moi, où que j’aille… »

Reinberga regarda le casque masque jeté à terre. C’était l’interrupteur de Reinberga. En revêtant ce cercueil d’acier, elle devenait la Faucheuse.

« Merci beaucoup. »

Grâce à des années d’entraînement, elle était parvenue à ne plus dégainer sans discernement ce qui lui était naturel. C’est ce qui lui permettait tant bien que mal de fonctionner dans une armée.

« Rentrons, Reinberga. Monsieur Rudolf nous attend. »

Ses subordonnés en tenue noire de lapin. C’étaient les hommes de la déesse de la mort, les membres du corps qui avaient façonné l’enfer. Ils mirent le feu, répandirent l’huile, consumèrent Flanderen. Là où la main de la Faucheuse ne pouvait passer, ils accomplissaient le travail.

« Oui. Allons-y. »

Le sourire desséché aux lèvres, Reinberga se releva et essuya ses larmes.

Dans les flammes de l’enfer, seuls subsistaient les vestiges. Le trio des Nederlux, l’armée du « Noir », étaient haïs, honnis, parce qu’ils n’étaient plus des humains, mais des monstres suivant la Faucheuse.

William et Wolf s’étaient battus jusqu’au bout de leurs forces. Enfin, ils se faisaient face avec l’intention claire de trancher et de tuer l’autre. Celui qui survivrait gagnerait. C’était leur intention.

Un éclat métallique. Des gerbes d’étincelles. Une passe d’armes au plus près, où chacun exposait sa maîtrise. Puis tous deux bondirent en arrière d’un même mouvement pour prendre leurs distances. Et—

« Hé, on arrête. Tu comptes vraiment continuer dans ce chaos ? »

Ce fut Wolf qui rengaina le premier. Il avait encore de la marge face à William, qui haletait, l’épaule secouée. S’ils poursuivaient, Wolf gagnerait.

« Ne te dégonfle pas. J’en ai encore sous le pied. »

William sentait monter en lui l’humiliation.

« J’ai pas envie de te tuer, Yamada. Et même si je le voulais, on n’a pas de raison de s’entretuer ici. On a déjà foiré Flanderen, impossible de récupérer la prime. On a perdu la bataille par-dessus le marché. Et on a rasé une ville entière. Qui va nous payer pour ça ? »

Wolf secoua la tête.

« Et puis autre chose. Je pensais pas que la “bécane” que je convoitais était un monstre pareil. J’ai pas envie de gérer un truc comme ça. »

La mission confiée à Wolf était de tuer William. La récompense, c’était Reinberga. Mais maintenant qu’il connaissait sa véritable nature, toute cette avidité s’était évanouie.

« Franchement, c’est con, non ? Toi, le super génie ultime, et moi, ton rival, on allait régler ça ici en douce. Ce serait du gâchis de finir au fond d’un champ de bataille que personne regarde. Ce serait bien plus drôle de conclure ça un jour devant la foule, en se donnant en spectacle. Alors cette fois, je remballe mon épée. »

Wolf rangea sa lame et tourna le dos à William.

« Voilà pourquoi je te laisse en vie. La situation entre toi et moi est très simple. C’est juste : qui est le plus fort. Pas de stratégie, pas de conneries. »

S’ils continuaient là, William perdrait. Tous deux le savaient. Simple, net. Pour Wolf, c’eût été du gâchis. Il venait tout juste de trouver un adversaire capable d’orchestrer de véritables “guerres” avec lui. Si William mourait ici, la défaite qu’il lui aurait infligée dans cette “guerre” laisserait une cicatrice qui ne disparaîtrait jamais.

Wolf ne pouvait l’accepter.

« Tu n’auras plus d’autre occasion de me tuer. »

« La prochaine fois qu’on se voit, je te tue. Complètement. Parfaitement. »

William fixait le dos qui s’éloignait avec un regard meurtri. Quoi qu’il en soit, il venait d’être ridiculisé. Et William n’était pas assez clément pour le pardonner.

« La prochaine fois, j’exterminerai tout. Toi en tant qu’homme, et ton camp tout entier. »

William en fit le serment. Il devait devenir plus fort. Pour atteindre les cieux, il ne suffisait pas d’écraser les vers qui rampent au sol. Tout lui manquait encore cruellement. Il en avait pris conscience avec acuité.

Il lui fallait à la fois une force personnelle et un pouvoir. Sans la puissance de manier librement une armée, il risquait de mettre en danger les vies d’autrui pour rien. C’était trop fatal face à un rival qu’il jalousait. Il ne serait pris au sérieux qu’une fois devenu au moins capitaine de cent.

« Plus. Encore plus. Tout me manque ! »

William quitta lui aussi les lieux.

Ne restaient que les marques gravées sur le sol et les arbres par ce duel acharné. La trace de la collision de deux génies.

Les légendes du blanc et du noir ne faisaient que commencer.

« Hé, pourquoi tu l’as épargné tout à l’heure ? »

« J’avais aucune raison de le descendre. »

« Il a pourtant buté tous nos potes à ce moment-là. »

« On a massacré un paquet des leurs aussi. C’est pas la peine de s’accrocher à un coup d’épée sur un champ de bataille. Sans fric, sans seins, j’ai aucune raison de me battre. On est des mercenaires. »

Dans la nuit, Wolf tranchait net. Nika en avait le cœur serré. D’ordinaire, elle avait la langue bien pendue, mais elle ne parvenait pas encore à renoncer à sa douceur. Elle ne pensait pas que Wolf avait tort. Des types comme William, ça pouvait exister. C’était ce qu’elle avait compris cette fois.

« Hmph, toi, t’es encore bien trop fort. »

« Je sais. Je l’ai vu dès la première rencontre. »

Wolf levait déjà les yeux vers le ciel de guerre lointain. Ce ciel rouge embrasé, ce flot de sang solitaire, cette odeur… ils étaient loin, et pourtant lui collaient toujours aux narines.

« Mais si je suis seul, ça ne suffit pas. »

Ce que Wolf avait gagné cette fois n’était ni l’argent ni la gloire. Il avait obtenu davantage. Ce sacrifice était un investissement. Après avoir vu la faiblesse des hommes, le loup posa enfin ses yeux sur la terre.

« Les hommes sont idiots, ridicules, et ils ne savent pas utiliser ce qu’ils ont. Mais pour moi, c’est parfait. C’est là ma brèche. »

Uwayne observa le visage de Wolf et esquissa un sourire. L’homme qu’ils avaient choisi pour maître avait encore de l’appétit. Fièrement, sans honte, il absorbait tout ce qui pouvait le rendre meilleur. Le loup grandirait encore. Et dépasserait, même, Uwayne.

« Bon, cette fois, on rentre ! Direction le sud, les seins, et vacances ! »

« On n’a pas ce genre de flouze, crétin ! Apprends à compter un peu ! »

Wolf et Nika, le duo de génies se chamaillant à coups de poings et de jurons. Même si leurs querelles éclaboussaient de sang et d’acier, c’était leur quotidien. Tout le monde riait autour d’eux.

(La prochaine fois, on s’amènera chacun avec tout notre monde, et on commencera dès le début. Ce sera pour la décision finale.)

Wolf leva les yeux vers le ciel nocturne, la tête toujours coincée sous le bras de Nika. Les étoiles scintillaient. Des étoiles naissaient, disparaissaient quelque part dans ce ciel, naissaient encore et s’éteignaient encore. Serait-il une lueur fugace, ou un astre colossal capable d’illuminer tout le firmament ?

(Qui sera le plus “fort” ?)

Que le monde se tienne prêt. Ici même, et jusqu’à engloutir le monde entier, une nouvelle étoile commençait à luire en secret.

Use ← → arrow keys to navigate chapters