Chapter 625 137.3 - The Kid
Chapitre 625 137.3 - L'Enfant
Chapitre 625 137.3 - L'Enfant
Ce jour-là, après une interminable attente, les mots tant espérés résonnèrent enfin aux oreilles d'Eryon : une famille l'avait choisi. Les adultes lui expliquèrent avec des sourires forcés qu'il quitterait bientôt l'orphelinat pour un foyer chaleureux où l'amour, les attentions et surtout—cette précieuse liberté—lui seraient enfin accordés. Une étrange exaltation s'empara de lui, sensation nouvelle qui fit battre son cœur à un rythme effréné. C'était le même espoir brillant qu'Emily avait emporté dans son sillage des mois auparavant.
Lorsqu'on le guida à travers l'immense hall que sa camarade avait franchi avant lui, Eryon laissa son imagination galoper. Peut-être était-ce enfin l'occasion tant attendue de retrouver Emily, de la serrer contre lui dans ce monde extérieur où les promesses de bonheur pourraient se concrétiser. Il découvrirait enfin ces mystères cachés derrière les murs de l'orphelinat, comprendrait cette existence qui lui avait été si cruellement refusée. Pour la première fois, l'avenir lui apparaissait éblouissant.
Au milieu d'un groupe d'autres élus tout aussi fébriles, Eryon embarqua. Il partageait leur excitation nerveuse, leurs murmures interrogatifs sur ce qui les attendait. À mesure que la distance avec l'orphelinat grandissait, son impatience devenait presque douloureuse. Chaque kilomètre parcouru le rapprochait d'Emily, leur destinée ne pouvait que les réunir dans cette nouvelle vie.
Ardmont City se révéla être une métropole grouillante, semblable à celle entrevue lors de son arrivée dans ce nouveau monde. Ses gratte-ciel orgueilleux et ses artères grouillantes dissimulaient pourtant une atmosphère étrangement oppressante. L'énergie y était différente—moins vibrante, plus sournoise. L'air même semblait chargé d'une menace invisible, comme si la ville entière reposait sur des fondations pourries.
Devant les grilles d'un domaine démesuré, on leur présenta Silas Vayne comme leur bienfaiteur. Cet homme puissant, disait-on, consacrait sa fortune à sauver des enfants abandonnés. « Pris sous son aile »—l'expression revenait sans cesse dans la bouche des adultes. Ils seraient désormais guidés vers une existence radieuse.
Eryon sentit une vague d'espoir le submerger. Le nom même de Silas Vayne semblait porter une aura particulière, comme si cette protection équivalait à un destin exceptionnel. Son regard croisa ceux des autres enfants—tous empreints de la même fascination craintive. Pourquoi douteraient-ils ? N'était-ce pas précisément le miracle qu'ils avaient tous imploré ?
Cette fragile illusion allait pourtant se briser cruellement.
Dès ses premiers pas dans l'édifice, Eryon perçut quelque chose de profondément dissonant. La magnificence des lieux, bien que réelle, paraissait artificielle—trop parfaite pour être honnête. Les domestiques aux sourires figés avaient des regards vitreux, comme vidés de toute humanité.
La révélation de leur véritable condition survint progressivement.
Les premiers jours s'écoulèrent dans un étrange brouillard. Eryon et les autres découvrirent une nourriture somptueuse—des mets inconnus, aux saveurs complexes, bien loin de la frugalité orpheline. Mais cette abondance prit rapidement un caractère suspect. Les repas se déroulaient désormais dans les sous-sols du domaine, un espace mal éclairé aux allures de oubliettes plus que de salle de banquet.
Eryon étouffa ses questions naissantes. Trop fasciné par ce changement radical, trop avide de croire aux promesses de liberté. Pourtant, le malaise grandissait en lui, jour après jour.
Puis vinrent les tourments.
D'abord insidieux : certains enfants recevaient des rations dérisoires. Eryon observa, impuissant, ses camarades dépérir—leurs corps déjà frêles réduits à l'état de squelettes vivants. Leurs suppliques n'émouvaient pas les serviteurs impassibles.
D'autres, plus robustes, subissaient un sort différent. Emmenés sans explication, ils revenaient couverts d'hématomes, de coupures, parfois avec des membres brisés. Leurs yeux creusés par l'horreur restaient muets—ce qu'ils avaient vu défiait toute description.
Certains ne revenaient tout simplement pas.
L'angoisse d'Eryon atteignit son paroxysme. Il tenta de se faire oublier, espérant échapper au sort réservé aux autres. Mais la vérité finit par s'imposer : ces repas luxueux n'étaient pas destinés à les nourrir. La nourriture elle-même prenait des caractéristiques inquiétantes—une richesse contre-nature qui soulevait le cœur. Il comprit instinctivement qu'elle servait à autre chose, quelque chose d'indiciblement plus sombre.
Après une disparition particulièrement troublante, l'épouvantable réalité leur fut dévoilée.
Le sous-sol n'était pas une simple salle à manger—c'était une zone de préparation. Les enfants n'étaient pas adoptés, mais engraissés. Leur chair était destinée à être consommée.
La révélation frappa Eryon comme un coup de massue. La famine, les sévices—tout s'inscrivait dans un processus méthodique. Certains étaient affamés jusqu'à l'immobilité, d'autres torturés pour attendrir leur chair. Les plus « prometteurs » recevaient juste assez de soins pour prolonger leur agonie avant un sort pire que la mort.
Silas Vayne n'était aucunement un bienfaiteur, mais un prédateur. Ils n'étaient que du bétail humain, élevés pour servir ses desseins macabres.
Emily... Avait-elle subi le même sort ? Ces mêmes mensonges l'avaient-ils conduite dans ce piège mortel ?
Le poids de cette vérité écrasa Eryon. Ses espoirs s'émiettèrent, transformant son existence en un cauchemar éveillé.
Une réalité qu'aucun enfant ne devrait jamais affronter.
16:51
La première réaction d'Eryon fut un désespoir absolu. Il tenta désespérément de fuir cet enfer doré. Nuit après nuit, tandis que les autres sombraient dans un sommeil agité, il restait éveillé, élaborant fiévreusement des plans d'évasion—si simples en apparence.
Attendre le bon moment, se faufiler, disparaître dans les ruelles d'Ardmont City... Chaque tentative échoua pitoyablement. Le domaine se révélait une prison parfaite—chaque couloir surveillé, chaque issue verrouillée. Les murs eux-mêmes semblaient se resserrer autour de lui.
Les semaines passèrent, rongeant peu à peu sa détermination. Il vit le sort réservé aux fuyards—ces enfants aux regards jadis pleins de vie, maintenant réduits à l'état de pantins brisés. Leur esprit même semblait avoir été dévoré, tout comme le sien allait l'être.
Emily... Que lui était-il arrivé ? Le rêve de la retrouver, de fuir ensemble, lui apparut soudain comme une cruelle illusion.
Eryon comprit que sa fin approchait. Les regards des serviteurs se firent plus insistants, les rations plus maigres. Puis vint « l'entraînement ».
Un processus conçu pour annihiler toute volonté. Jour après jour, on brisa sa résistance, son individualité. Il apprit à obéir, à ne plus penser. L'enfant rêveur qui croyait en l'avenir avait disparu, remplacé par une coquille vide.
Quand vint le jour de sa présentation à Silas Vayne, il ne résista pas. L'étincelle de vie dans ses yeux s'était éteinte. Le garçon qui aspirait à la liberté n'existait plus.
Il était devenu exactement ce qu'on attendait de lui—docile, soumis, prêt à servir.
« Toi... Est-ce que tu veux vivre ? »
Face à cette ultime question, son esprit ne trouva aucune réponse.