Chapter 936 215.2 - Finally
Chapitre 936 215.2 - Enfin
Chapitre 936 215.2 - Enfin
Astron secoua la tête avec une lenteur calculée, faisant danser ses mèches violettes sous la lumière tamisée.
« Je sais », déclara-t-il d'une voix basse qui résonna étrangement dans le silence environnant, chaque syllabe parfaitement articulée comme un verdict.
Son souffle se bloqua dans sa gorge.
Ses paroles l'atteignirent avec la violence sourde d'un coup porté à l'improviste, un poids écrasant qu'elle n'avait jamais anticipé, contre lequel aucune défense ne semblait possible. L'assimilation immédiate en était impossible.
« Tu sais ? »
Ses pupilles se dilatèrent alors que son regard s'accrochait au sien avec une intensité presque bestiale, fouillant chaque micro-expression, chaque infime tressaillement de ses traits, cherchant désespérément la faille, le mensonge. Était-ce une simple tentative d'apaisement ? Jouait-il ce rôle misérable de celui qui dit exactement ce qu'on attend de lui ?
Mais—son visage restait un masque impénétrable.
Aucune tension musculaire trahissant le mensonge. Aucune oscillation dans sa respiration. Pas l'ombre d'une hésitation ou d'une lueur suspecte dans ces yeux violets si particuliers.
Cette caractéristique chez lui la remplissait d'une haine viscérale.
Cette même caractéristique la fascinait au plus haut point.
Elle brûlait du désir de lacérer cette façade d'apparente sincérité, de plonger au-delà des abysses insondables de son regard pour enfin découvrir la vérité cachée derrière.
Pourtant—
Contre toute attente, elle se surprit à accepter ses mots.
Quel intérêt aurait-il à mentir ?
Astron ne mentait jamais.
Il expira avec une douceur calculée, son regard améthyste aussi stable qu'un roc battu par les vagues. « J'ai déjà connu une situation comparable à la tienne. Enfermé dans une sorte d'... espace intermédiaire, privé de toute capacité d'influence, réduit au silence absolu, à l'impuissance totale. Pendant une éternité. »
Ses lèvres s'entrouvrirent imperceptiblement, quelque chose en elle se métamorphosant soudain, une sensation étrange, presque... réconfortante.
Ce sentiment—elle ne l'avait jamais éprouvé auparavant. Et elle ne parvenait pas à déterminer s'il lui était agréable ou non.
Mais avant qu'elle ne puisse formuler une réponse, avant qu'une interrogation ne franchisse ses lèvres, sa main s'éleva dans un mouvement fluide.
Lent. Méthodique.
Il tendit son index vers elle avec une précision chirurgicale, comme une offrande sacrée.
« C'est précisément pourquoi », murmura-t-il avec une douceur trompeuse, « que je t'accorde cette permission. »
Sa respiration s'immobilisa.
Ses yeux se rivèrent sur ce doigt tendu, ses pupilles se dilatant démesurément tandis qu'une faim primitive montait en elle, ébranlant les fondations de son self-control, griffant sa raison de ses serres acérées, hurlant sa demande avec une intensité insoutenable.
Sa langue passa nerveusement sur ses lèvres desséchées.
C'était à portée. Si proche. Si tangible.
« Ça fait une éternité... »
Une éternité de privation.
Son corps tout entier trembla sous l'assaut d'un besoin viscéral qui la tordait de l'intérieur. Elle percevait la pression monter en elle, l'étau implacable qui comprimait sa poitrine, cette faim dévorante qui avait mijoté, grandi, l'étouffant jour après jour depuis plus d'un mois.
Et il le lui offrait.
Son sang précieux.
« Tu dois être affamée. »
Sa voix était d'un calme olympien. Imperturbable.
« Ne te retiens plus. »
Sa respiration devint saccadée, irrégulière.
Pourtant—
Son doigt ne lui suffisait pas.
Maya avait toujours mordu son cou. Exclusivement son cou.
Pourquoi devrait-elle—pourquoi accepterait-elle—une alternative inférieure ?
Une pensée fulgurante. Une impulsion irrépressible.
Et soudain, elle bondit.
Une explosion de mouvement fluide, une attaque instinctive parfaitement exécutée—
Ses mains s'agrippèrent à ses épaules avec une force surhumaine, son corps tout entier se pressant contre le sien tandis que ses lèvres trouvaient leur destination naturelle.
Un souffle coupable résonna dans l'air.
Son cou.
Ses crocs transpercèrent la chair avec une précision millimétrée.
Au moment où son sang jaillit dans sa bouche, sa conscience sombra.
Silence absolu.
Puis—
Extase pure.
« C'est bien ainsi... »
Un frisson électrique parcourut son corps tandis que son étreinte se resserrait, le goût enivrant inondant ses sens, épais, métallique, parfaitement équilibré.
« Exactement ainsi. »
Elle remarqua à peine l'immobilité absolue d'Astron sous elle, perçut vaguement la chaleur de sa peau sous ses paumes, le rythme régulier de sa respiration.
Tout ce qui existait—
Tout ce qui comptait—
C'était lui.
Son sang se répandit en elle comme une lave brûlante, parcourant chaque veine, comblant chaque creux douloureux, chaque désir refoulé qui la rongeait depuis des semaines.
Rien d'autre n'aurait pu apaiser cette soif.
Le sang des autres n'avait jamais dégagé cette fragrance envoûtante et elle était intimement convaincue qu'aucun autre sang n'aurait ce goût parfait.
Mais celui-ci—
C'était la plénitude absolue.
Chaleur vitale.
Elle se diffusa en elle comme un incendie maîtrisé, enveloppant chaque os, s'insinuant dans chaque particule de son être, comblant ce vide béant qui la consumait depuis si longtemps.
Alors c'était cette sensation...
Boire son sang.
Le sentir couler en elle.
L'avoir—non plus comme une entité lointaine observée depuis les ténèbres, non plus comme une présence inaccessible—mais comme une réalité tangible.
Son essence, son existence même—fusionnant avec la sienne.
C'était enivrant au-delà de toute mesure.
Un long frisson la parcourut tandis qu'elle buvait plus avidement, ses doigts s'enfonçant dans ses épaules, se rapprochant encore, toujours plus près.
Elle ne pouvait s'arrêter.
Ne voulait pas s'arrêter.
La faim avait été trop intense pendant trop longtemps, contenue sous des couches successives de retenue, attendant patiemment, souffrant en silence, désespérée d'être libérée. Et maintenant—maintenant que le barrage avait cédé—
Pourquoi voudrait-elle y renoncer ?
La saveur de son sang—riche, chaude, parfaite—explosait en elle, teintée de quelque chose de plus profond, d'indicible, d'inexplicable.
C'était bien plus que du sang.
C'était son être même.
Et elle s'en repaissait.
Cette réalisation déclencha une nouvelle vague de chaleur en elle, une sensation si intense, si crue qu'elle en trembla violemment.
Elle en exigeait davantage.
En avait un besoin viscéral.
Son étreinte se renforça, ses crocs s'enfoncèrent plus profondément, extirpant une nouvelle vague de chaleur qui inonda sa langue, glissa le long de sa gorge, s'insinua dans chaque parcelle de son être.
Oui.
Oui.
Elle avait jeûné trop longtemps.
C'était exactement ce dont elle avait besoin.
Ce dont elle avait toujours rêvé.
Le pouls de son sang battait contre ses lèvres, son parfum envahissant tous ses sens, la submergeant complètement.
Et pourtant—
Elle continuait de boire.
Plus.
Toujours plus.
Encore.
Elle percevait distinctement les battements réguliers de son cœur, imperturbables, constants—sa vie s'écoulant en elle.
La remplissant intégralement.
Devenant partie intégrante d'elle-même.
« Plus. Il m'en faut plus. J'ai besoin— »
Un battement soudain, aigu—un signal d'alarme.
Son corps se raidit brusquement.
Quelque chose en elle se tordit douloureusement, une traction brutale qui envoya une décharge électrique dans sa poitrine—douleur ? Non, pas exactement. Quelque chose de différent.
Mais elle ne cessait pas pour autant.
Ne pouvait pas cesser.
Ne voulait surtout pas cesser.
Car s'arrêter signifierait perdre cette sensation.
Le perdre lui.
Chaleur enveloppante.
Elle se répandit en elle, plus profondément encore, pénétrant chaque recoin obscur de son être.
Elle buvait.
Sans fin.
Son pouls demeurait régulier, inébranlable, vibrant contre ses lèvres, contre ses crocs, contre son existence même.
Elle se noyait en lui, sombrait dans l'abîme, s'égarant dans la sensation enivrante de l'avoir enfin, de prendre ce qu'on lui avait refusé si longtemps.
Et soudain—
Sa voix traversa le brouillard de son extase.
« Ça a dû être éprouvant, de te contenir tout ce mois dernier. »
Un long frisson parcourut son corps, étouffé contre la peau de son cou.
Éprouvant ?
Sans aucun doute.
Mais également—
« ...Je commençais à m'y faire. »
La faim persistait, toujours présente, mais ce n'était plus son unique réalité.
Depuis le charme—depuis qu'elle pouvait parler à Maya, l'atteindre, interagir véritablement avec elle—ce désir dévorant n'était plus le seul sentiment qui l'habitait. Elle n'était plus réduite à cet instinct primal hurlant pour du sang. Elle pouvait penser. Elle pouvait s'exprimer.
Elle pouvait simplement exister.
Néanmoins—
Elle hocha légèrement la tête.
Car cela avait été une véritable torture.
Astron exhala doucement, son souffle chaud effleurant ses mèches. « Tu as tenu bon. »
Et alors—
Un poids.
Délicat.
Presque imperceptible.
Sa main se posa avec une douceur surprenante sur sa tête, ses doigts s'enfonçant délicatement dans sa chevelure tandis qu'il la caressait avec une tendresse inattendue.
Elle se figea instantanément.
Un frisson inconnu la traversa, radicalement différent de la faim, de la soif, de tout ce qu'elle avait jamais expérimenté.
« ...Qu'est-ce que c'est que cette sensation ? »
Ses doigts se crispèrent involontairement sur ses épaules.
Son sang—son sang parfait—lui avait procuré l'extase, avait comblé le vide en elle, était devenu l'objet de tous ses désirs.
Mais ceci—
Ce sentiment étrange, cette chaleur inconnue s'enroulant dans sa poitrine, se déployant à chaque mouvement mesuré de sa main dans ses cheveux—
Même son sang ne lui avait jamais procuré cela.
Son corps trembla légèrement.
Un tremblement imperceptible, son souffle suspendu contre sa peau.
« Pourquoi... ? »
Pourquoi cela la faisait-elle se sentir si vulnérable ?
Si fragile ?
Si submergée par l'émotion ?
Elle avait désiré son sang plus que tout.
Mais ce contact, cette reconnaissance silencieuse—
« Pah... »
Un son étranglé s'échappa de ses lèvres lorsqu'elle se retira, ses crocs quittant sa chair avec réticence. Un mince filament de salive reliait encore leurs corps, scintillant faiblement avant de se rompre, disparaissant dans le néant.
Elle pouvait toujours le goûter.
Son sang persistait sur sa langue, chaud et enivrant, enveloppant ses sens dans une étreinte sensorielle indéniable.
Mais elle y prêtait à peine attention.
Car lorsqu'elle leva les yeux—
Il la scrutait intensément.
Ses yeux violets percutaient les siens, inébranlables, glacials, insondables.
Un contraste saisissant avec la chaleur irradiant dans sa poitrine, avec le tremblement incontrôlable de son souffle, avec la sensation persistante de sa main sur son crâne.
Elle sentait son sang couler en elle, parcourant toujours ses veines, la réchauffant de l'intérieur.
Et pourtant—
C'était ce simple contact qui la hantait.
Ses lèvres s'entrouvrirent légèrement, une étrange constriction lui serrant la gorge tandis qu'elle cherchait désespérément dans son regard—quelque chose. Une faille, une émotion, le moindre signe qu'il était affecté.
Mais il se contentait de l'observer.
Impassible.
Imperturbable.
Son expression, sa présence, son essence même—d'un calme absolu.
Et elle...
Elle ne comprenait pas.
Car il avait bien dû le sentir, non ?
Ce tremblement infime de son corps, la façon dont elle avait failli s'effondrer sous un simple effleurement.
Elle n'avait jamais tremblé auparavant.
Ni de faim.
Ni de soif.
Jamais.
Pourtant—sa main l'avait fait vaciller.
La chaleur persistait sur son crâne, une sensation fantôme qui refusait de disparaître, s'enfonçant plus profondément, s'enroulant autour d'elle comme un lien silencieux et indestructible.
Son souffle s'arrêta, ses lèvres légèrement entrouvertes, alors qu'elle murmurait, à peine audible—
« ...Pourquoi ? »
Elle ignorait elle-même ce qu'elle questionnait.
Pourquoi cette caresse ?
Pourquoi cette intensité ?
Pourquoi cela l'affectait-il plus profondément que son sang ?
Son regard demeurait stable, inébranlable, comme s'il voyait à travers elle, comme s'il percevait son âme même.