Chapter 26 - Revision Interface
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Revised Title
Chapitre 37
Revised Content
<h1>Chapitre 37</h1><p>William participait à la fête donnée pour célébrer la victoire. Même si la campagne brûlante à l’est n’avait été qu’une escarmouche, l’événement prenait des allures fastueuses : après tout, un petit pays avait été conquis.</p><p>La vedette était Gilbert von Oswald. Il avait abattu le général ennemi et, sans contestation possible, remporté les honneurs. Cette fois, William n’avait pu qu’agir dans l’ombre. Certes, il avait accompli sa tâche à la perfection, mais cela restait insuffisant, à lui seul, pour servir d’argument en faveur d’une promotion.</p><p>« Oh, voilà le Masque Blanc ! »</p><p>« Sous ce masque, tu crois qu’il est beau ? Je me demande s’il a une cavalière pour ce soir. »</p><p>William, dont le nom n’était jamais prononcé, baissa la tête de façon à ce que personne ne voie son visage. Qu’on ne le mette pas en avant cette fois, il pouvait le comprendre. Mais en songeant à tout ce qu’il avait accumulé jusque-là, il jugeait qu’il ne serait pas absurde d’être nommé capitaine de cent hommes. À tout le moins, si l’on comparait ses faits d’armes à ceux de ceux qui, eux, étaient appelés et promus capitaines, il aurait dû monter plus haut.</p><p>Les dames de la noblesse commençaient à l’accepter et, même si on le traitait parfois en curiosité exotique, il se taillait peu à peu une place dans le monde mondain. Le Masque Blanc n’était plus un inconnu. Héros issu de la troisième classe de citoyens d’Arcadia, il jouissait d’une immense popularité auprès du peuple. Et pourtant, la dure réalité restait là : il n’obtenait toujours pas de promotion.</p><p>« William, ne te décourage pas. Tu seras sûrement promu la prochaine fois. »</p><p>Carl, promu lors de la précédente bataille, était désormais un capitaine de cent hommes confirmé. Gilbert venait d’être élevé au rang de chef de division. Hilda et Anselm figuraient parmi les capitaines de cent hommes de premier plan. Gregor stagnait, mais restait un vétéran au même grade et avançait dans sa génération. Seul William demeurait au point mort.</p><p>« Ce n’est rien, Carl. Allons plutôt féliciter Gilbert plus tard. »</p><p>« Ouais ! Mais là, je ne peux pas l’approcher. »</p><p>« On ira tous les deux quand ça se sera un peu calmé. »</p><p>« Ouais ! »</p><p>Après le départ de Carl, William, resté seul, s’adossa au mur. Au fond, il avait envisagé d’enchaîner les promotions à toute vitesse pour viser le sommet. Quoi qu’on en dise, en termes de force globale, rares étaient ceux qui pouvaient encore rivaliser avec lui. En duel singulier, Gilbert lui était peut-être supérieur ; mais dans un affrontement entre armées, William ne se sentait en rien inférieur.</p><p>(Il est vrai qu’il n’y a pas eu de grande bataille récemment, et je n’ai pas accompli d’exploit décisif. Mais malgré tout…)</p><p>Il devait y avoir une raison cachée au fait qu’on refuse de le promouvoir. Pourtant, William n’avait aucun moyen de la confirmer. Il ne pouvait qu’accepter cette stagnation et continuer, sans donner prise à la critique, à accumuler des mérites militaires.</p><p>Pendant ce temps, à Garnia, Arkland combattait enfin le dernier royaume qui lui résistait ; l’unification n’était plus qu’une question de temps. Les « Mercenaires Noirs (Noir Garoo) », menés par Wolff, combattaient Estad aux côtés du faible royaume de Sambald et remportaient là leur premier grand succès. Sambald les décora.</p><p>Alors que le monde bougeait, William seul restait immobile.</p><p>Un an et demi s’était déjà écoulé depuis le duel entre Arcadia et les Naderks.</p><p>○</p><p>« Félicitations, Gilbert ! Tu as fait un carton. »</p><p>Gilbert se retourna aux paroles de Carl, un léger sourire aux lèvres.</p><p>« Je me demandais si tu étais là. Toujours aussi jovial. »</p><p>Au moment où il aperçut William, ses yeux, jusque-là paisibles, se muèrent en ceux d’un homme qui regarde un serpent. Carl pouvait encore hausser les épaules en se disant « c’est son caractère », mais l’expression de Gilbert ne changea pas. William affichait lui aussi un sourire ; mais, derrière, il bouillonnait (Espèce de guerrier tête creuse ! Que mes sept ancêtres te tombent dessus !), et tous deux s’échangeaient des paroles polies qui allaient à rebours de leurs pensées.</p><p>« Il n’y avait pas d’adversaire de taille. Je suis simplement tombé par hasard sur le chef d’un petit pays et je l’ai abattu. Rien d’extraordinaire. Enfin, c’était toujours plus que toi, qui n’as même pas pris part au siège. »</p><p>Gilbert parlait de William avec un dégoût à peine voilé. La joue de William se crispa.</p><p>« Désolé, on m’avait ordonné de rester à l’arrière. »</p><p>Carl se mit à paniquer, presque au bord des larmes. Que William n’ait pas participé ne relevait évidemment pas de sa responsabilité, il le savait. Mais il était profondément troublé par la situation, et les paroles de Gilbert enfonçaient le couteau dans la plaie.</p><p>« Non, ce n’est pas ce que je voulais dire. Si tu as des hommes compétents derrière toi pour garder tes arrières, tu es libre de combattre. Tu peux te battre l’esprit tranquille. »</p><p>Un discours à cent quatre-vingts degrés de celui d’un instant plus tôt.</p><p>« Vraiment ? »</p><p>« Bien sûr, William. Évidemment. »</p><p>Gilbert quémandait son assentiment avec un sourire exaspérant. Pour qu’il en arrive là, même William, qui devait veiller aux intérêts de son seigneur, comprit qu’il lui tendait une perche qu’il valait mieux saisir.</p><p>« Bien sûr, n’est-ce pas, Carl ? »</p><p>Il n’oublia pas de tenir son rôle en public. Il fallait distinguer clairement l’officiel du privé.</p><p>« Désolé, mais si tu continues à faire profil bas, c’est William qui va en pâtir. »</p><p>Dans sa tête, Carl ne pensait qu’à la mise en valeur de William. Un homme comme lui ne pouvait raisonnablement rester éternellement dans cet état. Témoin de sa supériorité, son désir de le voir promu grandissait chaque jour.</p><p>« … Je vois. Très bien. Je t’emprunte ce garçon un moment, William. »</p><p>« Oui, ça m’est égal. Mais pourquoi ce sérieux soudain ? »</p><p>« Nous avons des choses à nous dire. À moins que tu ne préfères aller danser avec une demoiselle ? »</p><p>« Non, je te le laisse. »</p><p>Gilbert et William quittèrent les lieux, laissant derrière eux un Carl médusé.</p><p>○</p><p>La fête de la victoire se tenait dans la résidence privée du général Conrad. Le brigadier-général Conrad était un noble, issu d’une ancienne lignée d’Arcadia à couronne. Sa maison n’était pas ostentatoire, mais impeccablement tenue ; le jardin que traversaient les deux hommes respirait la noblesse.</p><p>Gilbert et William marchaient dans la cour.</p><p>« … Je vais te dire pourquoi tu ne peux pas être promu. Et je peux aussi te donner la solution. »</p><p>La remarque tomba abruptement. William le fixa comme on observe quelque chose de louche. Sous le masque, son regard restait caché, mais Gilbert ne devait rien en perdre.</p><p>« Bien sûr, il y a une condition. Disons que tu n’as pas d’option : tu “accepteras”. »</p><p>« Je n’accepterai rien sans connaître cette condition. »</p><p>« Il ne s’agit ni de ta vie, ni d’argent. »</p><p>Il ne donnait pas de détails : un marché à sens unique, posé sur le principe implicite que William ne refuserait pas. C’était logique, mais, vu sa situation bloquée, William en était irrité.</p><p>« Je n’avalera rien, quelles que soient les conditions. »</p><p>« Justement. Je sais que tu vises le sommet, quels que soient tes discours. Tu veux être promu, avoir ton propre corps de cent hommes. Ta résolution est prise. »</p><p>Gilbert s’assit sur une chaise laissée là dans la cour et invita William à en faire autant.</p><p>« Pour commencer, la raison pour laquelle tu ne peux pas être promu… C’est très simple. Tu la connais déjà. Tu es un étranger, et tu es trop bon. Ces deux points suffisent. Hormis quelques rares invités étrangers pour des raisons particulières, Arcadia n’a jamais conféré le statut de capitaine de cent hommes à un homme venu d’ailleurs. Il n’y a aucun précédent. Et tu es excellent. Ce genre de profil, ils ne l’aiment pas. Au contraire, ils te détestent. »</p><p>C’était tellement évident que William n’y avait presque pas songé. On ne pouvait pas se permettre de le promouvoir, mais on ne pouvait pas non plus le rejeter. Même en le renvoyant, on n’était pas sûr qu’un autre pays l’accepterait, et croire le contraire, dans ces circonstances, serait naïf.</p><p>« Taylor, lui, voit son père dépenser de grosses sommes pour lui ouvrir la voie. Il ne le voit pas, et grimpe rapidement — en supposant, bien sûr, qu’il continue à prouver sa valeur. En plus, Taylor reste un noble, même s’il est décadent. Ce n’est pas une grande lignée, mais une maison titrée et riche. Il y a assez de nobles prêts à lui vendre leurs faveurs. Les clans nobiliaires spécialisés dans l’armée sont relativement pauvres, tu sais. »</p><p>Les recommandations étaient indispensables. William, qui ne disposait d’aucun de ces réseaux, se retrouvait cerné. La réalité crue lui était exposée sans détour.</p><p>« Tu n’as plus que deux options : accomplir un exploit militaire éclatant, ou attendre que ton protecteur, Taylor, atteigne une position suffisante. Dans les deux cas, c’est long, et il te faudra compter sur la chance. Et ça ne m’arrange pas. Donc, cette fois, je vais coopérer avec toi. »</p><p>Gilbert se leva et s’approcha de William, se plaçant au-dessus de lui.</p><p>« Tu peux t’appuyer sur Kruger. Il exigera une bonne contrepartie, mais tu t’en arrangeras. »</p><p>Anselm von Kruger. Gilbert affirmait qu’on pouvait compter sur ce prodige.</p><p>« Il n’est pas destiné à succéder aux Kruger, contrairement à moi pour les Oswald. Si je fais bouger Oswald, ça fera des vagues. Mais même s’il finit par prendre la tête des Kruger, personne ne trouvera à redire à le voir agir. »</p><p>William ne voyait pas l’expression de Gilbert. Mais il devinait le sérieux de sa démarche. Sans doute que…</p><p>« Je vous suis reconnaissant pour vos conseils. Et donc, quelle est la condition ? »</p><p>Anselm n’allait pas bouger gratuitement, pas d’après la manière dont Gilbert en parlait. William entrevoyait une piste. Restait à connaître la condition de Gilbert. Anselm, ce serait une autre histoire.</p><p>« Pour toi, c’est un marché sans pertes. Quoi que je demande, tu y gagneras. »</p><p>Gilbert passa à côté de William et retourna vers la salle de réception. Resté seul, William leva les yeux vers le ciel.</p><p>« Très bien. Il est temps d’avancer. Merci infiniment. »</p><p>La condition était sans doute bien celle qu’il imaginait. Sans cela, Gilbert ne se serait pas donné tant de mal. Lui aussi voulait faire bouger les choses. Mais il finirait par le regretter. Car ils ne seraient pas deux à se tenir au sommet.</p><p>○</p><p>William se rendit au manoir des Kruger. Il arriva à l’heure. Anselm en personne l’attendait devant le portail.</p><p>« Je suis désolé. Je me doutais que tu serais en avance, j’aurais dû être là plus tôt. »</p><p>« C’est moi qui te suis redevable de t’être déplacé. Ne restons pas dehors. Ce n’est pas un grand manoir, mais entre. »</p><p>Anselm jouait la modestie, mais la maison des Kruger était digne d’un vieux noble. L’intérieur, richement orné sans vulgarité, un peu tape-à-l’œil, correspondait bien à Anselm. On y sentait, comme derrière un portail de samouraï, ce mélange de maîtrise artisanale et de fierté aristocratique.</p><p>« C’est le goût de ma sœur. On a exposé ici ce qu’elle avait dans sa chambre. Elle est déjà mariée, mais sa chambre lui manque, je suppose. »</p><p>« Je vois. Vous avez une sœur. Je lui présenterai mes salutations à l’occasion. »</p><p>« Ne t’embarrasse pas pour ça. C’est juste un beau cheval que l’on garde à l’abri. Elle ne sort même pas en société. Il est temps de s’en préoccuper. »</p><p>Sous son masque, William esquissa une grimace. Contrairement à Anselm, Gilbert, Gregor ou Hilda, cette sœur ne connaissait pas son vrai visage. Il avait trop peu d’occasions de le montrer et n’aimait guère approcher ceux dont il ne pouvait discerner s’ils l’aimaient ou le haïssaient.</p><p>Anselm et un vieux domestique en livrée sur mesure apparurent devant William. Ce dernier inclina légèrement la tête, sans quitter les deux hommes des yeux.</p><p>« Monsieur. La pièce est prête. Annelise vous attend également. »</p><p>« Parfait. Merci. Mais je suis désolé : aujourd’hui, j’utiliserai la chambre retirée. L’histoire est un peu délicate. »</p><p>« La chambre retirée ? »</p><p>« Personne ne doit s’en approcher. Pas même Annelise. »</p><p>« Bien, je m’en occupe. »</p><p>À ces mots, le visage du vieux serviteur se décomposa. Était-ce la surprise ou autre chose ? Pour William, qui le rencontrait pour la première fois, c’était difficile à dire, mais il comprit au moins que la situation était exceptionnelle. Mieux valait redoubler de prudence.</p><p>« C’est par ici, William. »</p><p>« Oui. À propos de la dernière fois… »</p><p>Tout en échangeant des banalités sans importance, ils s’observaient mutuellement. Mais Anselm ne laissait entrevoir aucune ouverture. William transpirait en secret : c’était un adversaire redoutable.</p><p>○</p><p>Le domaine des Kruger possédait naturellement un jardin, avec, dans un coin, un petit pavillon. Un bâtiment simple, sans ornements superflus.</p><p>À l’intérieur, une seule bougie brillait dans la pénombre. La pièce était assombrie par des tentures qui entouraient l’espace, bloquant la lumière du jour. Au centre, une petite table ronde ; au fond, une unique chaise luxueuse, qui tranchait avec le reste. Aucun autre meuble en vue.</p><p>(… On dirait une odeur d’huile.)</p><p>Une cabane à l’aménagement singulier. C’était sans doute de cela qu’Anselm avait parlé.</p><p>Anselm referma la porte. Ils étaient désormais complètement coupés du monde extérieur.</p><p>« Il n’y a ici que moi. On appelle cet endroit la chambre secrète, transmise et gérée par le maître de maison depuis des générations… On dit qu’on l’utilise souvent pour des tête-à-tête. Même ceux qui en connaissent l’existence n’ont pas le droit de s’en approcher, sauf le chef de famille. »</p><p>Un souffle. Quelque chose effleura la joue de William.</p><p>« J’aurais voulu t’y faire venir plus tôt, mais évidemment, William Liwius ne se laisse pas saisir si facilement. »</p><p>Dans l’obscurité, seule la zone autour de la bougie était visible. Que faisait Anselm, au-delà ? Il était sans doute préférable de ne pas chercher à le voir. Une chose était sûre : l’atmosphère avait changé.</p><p>« Assieds-toi. C’est ta place. »</p><p>« Non, je ne vois qu’une seule chaise. Je vous en prie, monsieur Anselm… »</p><p>Un bruit sourd se fit entendre derrière William.</p><p>« Non, cette chaise est pour toi. Allez, assieds-toi. »</p><p>Un petit crépitement. Une lourde tension s’abattit sur la pièce.</p><p>William s’assit prudemment. La chaise semblait faite pour lui, taillée à ses mesures. Rien qu’au confort, il comprit : c’était une pièce coûteuse, fabriquée sur commande…</p><p>« Je crois que Gilbert t’a déjà parlé. De tes perspectives. »</p><p>William éprouva une répulsion instinctive. L’aura qui émanait d’Anselm, invisible dans le noir mais toute proche, lui hérissait la peau.</p><p>« Tu l’as dit, William : ici, nous sommes coupés du monde. Personne ne peut approcher. C’est notre lieu à nous. Dois-je vraiment le dire ? Même Eerhard… n’aurait pas accès à cet endroit. Toi, si. »</p><p>William ne put cacher sa surprise devant cette métamorphose. En tant que guerrier, en tant que commandant, il était censé juger Anselm comme un pair. Mais le visage qui se révélait là — sans pudeur, sans armure, livré à une franchise dérangée — était la véritable nature d’Anselm.</p><p>« Oh… pardonne-moi. Je m’emporte un peu. Bon, revenons au sujet. Évidemment que je comprends. La maison Kruger s’engage à te soutenir totalement. »</p><p>La route vers le poste de capitaine de cent hommes venait de se dessiner clairement. Il ne restait plus à William qu’à tendre la main.</p><p>« Mais il y a une condition. »</p><p>William se redressa. Une condition était normale. Grâce à sa société, il disposait de fonds ; il était prêt à payer ce qu’il faudrait. Restait à connaître la nature de cette condition.</p><p>« Quelle est cette condition ? »</p><p>L’obscurité sembla se rapprocher de lui, lentement. Une flamme noire dans la nuit. Presque un brasier vacillant sans faiblir.</p><p>« Elle est simple. Moi, Anselm von Kruger… »</p><p>William ravala sa salive.</p><p>« …je veux devenir ton plus proche serviteur. »</p><p>L’esprit de William ne suivit pas tout de suite. Serviteur ? Lequel des deux servirait l’autre ? Qui serait le maître ?</p><p>C’était trop soudain, trop loin de ce qu’il avait envisagé. Sa pensée en fut momentanément projetée hors de ses rails.</p><p>« Je veux être ton ombre. Tu es un être destiné à briller. Aujourd’hui, tu es encore une lumière mystérieuse, douce comme la lune, mais un jour, tu brilleras comme le soleil et éclaireras le monde entier. Je veux travailler pour cette lumière. »</p><p>Les paroles d’Anselm dépassaient l’entendement de William. Il pouvait affirmer sans hésiter que l’homme devant lui était fou. Si c’était vraiment le cas—</p><p>« Me croiras-tu ? Un marché qui ne m’apporte aucun avantage. On nous a appris, sous Lord Taylor, qu’il n’est rien de plus noble que le don sans contrepartie. »</p><p>William chercha le piège. Cela ne pouvait pas être gratuit. Anselm devait nourrir un dessein caché et vouloir se servir de lui. C’était, selon le bon sens, l’explication la plus plausible.</p><p>« C’est dommage si tu ne me crois pas, mais tu as le droit de douter. Alors, William Liwius. Mon seigneur. Mon maître. »</p><p>L’ombre bougea. Une lame sortit de son fourreau. William se leva d’un bond et porta la main à sa taille. Il entendit plusieurs claquements. Un éclat d’argent blanc jaillit. Ce n’était pas dirigé vers lui, mais vers autre chose.</p><p>« Laisse-moi te montrer un fragment de ma loyauté ! Regarde ! Tu es mon roi ! »</p><p>La lumière inonda la pièce. Ce qu’Anselm avait tranché, c’étaient les tentures qui l’encerclaient. Non pas pour laisser simplement entrer le soleil : elles avaient une autre utilité.</p><p>Derrière les tissus qui s’effondraient, William resta sans voix.</p><p>« Tes traces. De Laconia jusqu’à aujourd’hui. J’ai fait peindre toutes les scènes dont j’ai pu entendre parler. À partir de maintenant, je veux les contempler de mes propres yeux. C’est mon seul souhait. »</p><p>Désormais baignée de lumière, la pièce dévoilait des dizaines de tableaux couvrant les murs, tous centrés sur William. La bataille de Laconia. Le siège. La campagne du Nord. Son affrontement avec l’« Ours Blanc ». Le combat contre les assassins dans le manoir de Valdias. Chaque épisode figé, chaque posture capturée. Il y avait aussi la bataille contre les Naderks. Et une multitude de simples portraits, au point d’en frôler la folie : debout, assis, de profil, de dos…</p><p>« Tout ça… Ça a dû demander un temps fou à préparer. »</p><p>« Inutile de faire des manières avec ton ombre. Traite-moi comme tu veux, mon seigneur. »</p><p>Avant même qu’il ne s’en rende compte, Anselm était à genoux aux pieds de William et commençait à lui lécher les chaussures. En y regardant de plus près, on aurait dit qu’il embrassait la trace de ses pas ; le sol était humide par endroits.</p><p>« C’est… le masque que j’utilisais au début ? »</p><p>Il était exposé avec un soin presque attendrissant : le premier masque que Rutgard avait choisi pour William, dans ses souvenirs. Anselm avait visiblement récupéré la moitié restante. L’autre avait été remise comme preuve de l’élimination de l’assassin. Sur ce point, il avait été d’un sérieux extrême.</p><p>Anselm le serrait contre lui comme un trésor, radieux.</p><p>« Oui. Tout a commencé avec cet assassin, ce jour-là. J’ai été fasciné. Mon cœur, jusqu’alors engourdi, a battu pour la première fois. J’ai vu cette lumière lunaire, ce visage qui en reflétait l’éclat, et je suis tombé. »</p><p>Anselm s’effondra dans une pose théâtrale, en prenant grand soin de ne pas abîmer le masque.</p><p>« Je sais bien que je manque encore de force pour être ton ombre. Je dois me perfectionner. Quant à la contrepartie, je m’en moque complètement. Tant que je peux rester à tes côtés. Je te serai bien plus utile que ce Carl von Taylor, crois-moi. »</p><p>Au moment où le nom de Carl von Taylor fut prononcé, une infime vibration dans la voix d’Anselm se fit entendre. William ne la manqua pas, et confirma ainsi la sincérité de cette folie.</p><p>« Très bien. Anselm von Kruger, je reconnais ce que tu peux faire pour moi. »</p><p>À ces mots, Anselm laissa exploser une joie démesurée. Il se répandit en exclamations de bonheur. En le voyant, William eut envie de se prendre la tête entre les mains, mais il ne pouvait se permettre de repousser un tel atout. Il conserva alors son sourire. Un sourire difficile à maintenir, mais qu’il maintint.</p><p>(Il se calmera avec le temps. Mais devoir composer avec quelqu’un d’aussi exalté…)</p><p>William venait de se frayer un chemin vers le grade de capitaine de cent hommes. Mais, en même temps, il venait d’abriter en lui une ombre noire. Poison ou remède, selon la manière dont il l’emploierait. Une flamme noire qui reflétait aussi sa propre nature. Restait à voir comment William retournerait cela à son avantage.</p><p>○</p><p>« On dirait que tu as ramené quelque chose d’intéressant de là-bas. »</p><p>La reine de la nuit fixait le gâteau posé devant William. Il l’avait apporté en cadeau, mais elle l’avait laissé attendre une bonne heure.</p><p>« Anselm ? Il est aussi dérangé que jamais, à ce que je vois. Où as-tu entendu ça ? »</p><p>Nyx ne se préoccupait pas des bonnes manières à table. Elle avait ses propres règles : à la nuit, la nuit ; au jour, le jour. Les honorifiques n’avaient aucun sens pour elle. William, qui l’avait compris, choisissait naturellement ses mots en conséquence.</p><p>« Ce n’est pas “entendre”. Tout ce qui se passe à Arcadia finit dans mes oreilles. Et ce n’est pas assez. La prochaine fois, je veux plus. »</p><p>« Tu me le diras. Au fait, Nyx, j’aimerais que tu me rendes ce rubis bientôt. »</p><p>William posa un autre sac devant Nyx. À l’intérieur, des pièces d’or. De quoi dépasser largement la valeur du rubis.</p><p>« Tu es prêt, donc ? Tu as le sens des affaires. »</p><p>Nyx laissa échapper un rire rauque. Il était évident qu’elle avait compris que William s’était préparé pour ce moment précis.</p><p>« C’était un marché gagné d’avance. C’est tout. À partir de maintenant, je vais pouvoir m’amuser davantage. »</p><p>Dans l’esprit de William se dessina le plan d’une nouvelle guerre. Les fonds accumulés seraient investis dans la prochaine affaire, qui lui rapporterait à son tour davantage. Il ne se lassait pas de ramper, grimper, recommencer. Il était pleinement conscient de l’avidité extrême de sa nature.</p><p>« Je deviens accro à ces gâteaux. Ressers-moi. »</p><p>« Non. Je les aime aussi. Je peux t’en faire une imitation, par contre. »</p><p>« Non. Je veux ceux-là. Ceux dont tout le monde raffole. »</p><p>Sur ce point, William trouvait Nyx très proche de lui. Les métaux précieux que personne ne désire n’ont pas de valeur. Ce qu’on veut, c’est ce que tous convoitent. La valeur naît de l’envie. Poussée à l’extrême, cette logique ferait d’un caillou au bord de la route un trésor, pour peu qu’il soit désiré. Tous deux voyaient les humains ainsi.</p><p>« Oui. Il va falloir que je soigne mon apparence, désormais. »</p><p>William se leva. Il n’avait aucune intention de manquer à la promesse commerciale conclue avec Nyx. Il partit, la laissant grommeler, satisfaite : « Je compte sur toi. »</p><p>« Le jour est plutôt amusant, ces temps-ci. Bouge-toi. Je m’ennuie. »</p><p>Nyx s’étira paresseusement. Quiconque, hormis William, l’aurait vue ainsi aurait été stupéfait par ce relâchement.</p><p>« Et n’oublie pas. Pour Vlad. »</p><p>« Bien sûr. Je n’ai simplement pas encore beaucoup d’occasions. »</p><p>« Il te reste trois ans. Si tu traînes, je tuerai l’anguille moi-même. Je lui arracherai le rubis sur le cadavre. Ce serait peut-être plus simple. Qu’en dis-tu ? »</p><p>Le mot « tuer » tombait légèrement dans sa bouche. Mais venant de Nyx, il pesait lourd.</p><p>« Dans ce cas, tue-le vite. Ne le laisse pas te tuer. Il est temps de bouger. Tu en as enfin les moyens. »</p><p>La plupart des capitaines de cent hommes de l’armée d’Arcadia étaient des nobles, avec le traitement correspondant. Avec ce rang, William pouvait enfin approcher les grandes maisons. Il lui avait fallu du temps, mais il se tenait enfin sur la ligne de départ.</p><p>« Hm. Tant que tu n’oublies pas, ça me va. J’ai planté quelques griffes, mais je me méfie de l’un de mes enfants. C’est une histoire intéressante. Il y a là un homme digne de confiance. »</p><p>Nyx se balançait, ses cheveux noirs coulant comme un fleuve. Soudain, comme si quelque chose venait de lui revenir, elle s’approcha de William.</p><p>« Ah. Je n’ai jamais fêté ça, en fait. »</p><p>Fêter quoi ? Sa nomination comme capitaine de cent hommes, ou autre chose ?</p><p>Nyx se retrouva brusquement juste devant lui et captura ses lèvres.</p><p>« Hé !? »</p><p>Un baiser de « félicitations », en quelque sorte ? En réalité, William n’avait jamais embrassé personne, hormis sa sœur, jusqu’ici. Le monde lui échappait : il restait vierge.</p><p>« Qu’est-ce que tu fais ! Pas sans prévenir… ! »</p><p>La panique gênée de William tranchait totalement avec son attitude habituelle. Le visage rouge, il semblait presque quelqu’un d’autre.</p><p>« Ça, c’est la mort. Les gens appellent ça l’amour. Habitue-toi. Tu pourrais t’en servir. Des gens sont prêts à mourir et à t’aimer sans que tu le leur demandes. Autant en profiter et t’amuser dans ce monde. »</p><p>En un instant, elle disparut de devant lui et revint s’allonger à sa place habituelle. William resta un moment rouge et renfrogné, mais en voyant combien Nyx s’amusait de sa réaction, il se calma. Il avait compris : plus il se laissait troubler, plus il devenait un jouet.</p><p>« La prochaine fois, je veux plus de douceurs. »</p><p>« Très bien. Je t’empoisonnerai. »</p><p>« Si tu as un poison capable de me tuer, ce sera amusant aussi. »</p><p>Sur ces mots, leur entrevue s’acheva comme à l’accoutumée. Le dernier sourire de Nyx était radieux.</p><p>Devant la porte close, William se tourna vers le dragon blanc qui montait la garde.</p><p>« Plutôt que de servir un type comme ça, tu ne préférerais pas travailler pour moi ? Je paierai bien. »</p><p>« Ne prends pas la grosse tête. Je pourrais te tuer. »</p><p>Échange habituel. William n’était pas sérieux. Le Dragon Blanc vouait un culte à Nyx ; de ce fait, il ne supportait pas de voir William bénéficier de sa faveur. S’il le pouvait, il le tuerait sans hésiter. Mais précisément à cause de cet attachement, il ne pouvait poser la main sur William : ironie parfaite.</p><p>(Quelle prison. Moi, je suis différent.)</p><p>William passa à son cou le rubis qu’il venait de récupérer. La sensation familière, après tout ce temps, lui donna enfin l’impression de l’avoir véritablement repris. Il n’en était encore qu’à mi-chemin. Il allait développer davantage ses affaires, gagner plus d’argent. Combattre par l’épée, combattre par l’or.</p><p>(Bien. Les choses sérieuses commencent.)</p><p>William Liwius avait enfin commencé à avancer.</p>
Revision Notes
Maintien intégral du texte en français en améliorant la fluidité, la cohérence et le registre, tout en respectant le sens de l’original japonais tel que reflété par la version fournie. Correction d’incohérences de ton et de formulations maladroites (p. ex. reformulation de phrases trop littérales ou bancales, comme les menaces de Nyx, les apartés internes de William, ou les descriptions de la maison Kruger). Clarification des passages confus concernant le statut de Gilbert, Anselm et Carl, ainsi que les enjeux de noblesse, de recommandations et de promotion, sans ajouter d’informations non présentes. Uniformisation des appellations (‘capitaine de cent hommes’, ‘Masque Blanc’, ‘maison Kruger’, etc.) et des pronoms de politesse/familiarité selon les relations (Nyx/William en tutoiement assumé, nobles souvent en vouvoiement ou registre soutenu). Ajustement du registre pour mieux rendre le sous-texte (hostilité polie entre Gilbert et William, obsession d’Anselm, ironie de Nyx) tout en restant cohérent avec un style de roman léger mais sérieux. Correction des erreurs lexicales ou anglicismes discrets (‘relatively pauvres’ corrigé, structures bancales revues) et harmonisation des temps verbaux. Conservation stricte de tous les marqueurs HTML et de la structure des sections (○, paragraphes, dialogues). Corriger les erreurs ponctuelles : - Remplacer "Je n’avalera rien, quelles que soient les conditions." par "Je n’accepterai rien sans connaître les conditions." ou "Je n’avalerai rien avant de connaître les conditions." Affiner certains passages fortement interprétés, surtout là où la VO intermédiaire est manifestement corrompue, en restant un peu plus neutre : - Pour la phrase sur Lord Taylor et le don sans contrepartie, envisager une version moins doctrinale, par ex. "On nous a appris sous Lord Taylor qu’il ne fallait rien attendre en retour." sauf si le japonais confirme explicitement la notion d’altruisme. - Pour Eerhard : rapprocher du sens "Je n’utiliserais pas cet endroit même pour Eerhard" plutôt que "Même Eerhard n’y aurait pas accès" si le texte original le justifie. Renforcer/clarifier quelques nuances sans alourdir : - Préciser discrètement que la guerre à l’est n’est qu’une petite campagne : "même si la campagne étouffante contre l’Est n’avait été qu’une escarmouche". - Pour "dropped one" : "un petit pays avait été rayé de la carte" ou "annexé" pour rendre le côté brutal. Veiller à la cohérence terminologique et canonique : - Vérifier les graphies officielles des noms propres (Naderks/Nedelks, Noir Garoo, etc.) et les harmoniser. - Uniformiser les titres (ex. toujours "capitaine de cent hommes" ou adopter un équivalent militaire plus naturel, mais constant). Maintenir le ton légèrement dérangé d’Anselm tout en restant fidèle : - Les répliques exaltées (« Tu es mon roi ! », "mon ombre", etc.) fonctionnent bien. Conserver ce registre, mais éviter les formulations qui suggèrent un calcul intéressé là où le texte insiste sur une folie sincère, sauf confirmation du texte source. Globalement, le texte français est fluide et lisible. Les ajustements principaux sont : corriger les rares fautes, vérifier quelques interprétations contre le japonais original si disponible, et verrouiller la cohérence des noms et rangs.