Chapter 30 - Revision Interface
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Revised Title
Chapitre 41
Revised Content
<h1>Chapitre 41</h1><p>William Liwius se tenait seul devant la demeure des Vlad. Anselm semblait avoir employé divers stratagèmes pour le suivre, mais ils avaient tous été neutralisés. Il était bien trop tôt pour continuer à se montrer à ses côtés et à talonner Anselm. Il risquait en outre de paraître étrangement déplacé, et de susciter le dégoût en donnant l’impression qu’un roturier fraîchement fait chevalier se permettait de tenir tête aux nobles.</p><p>« Je suis désolée de vous avoir fait attendre. La demoiselle a accepté de vous recevoir. »</p><p>Une jolie soubrette fit entrer William par la grille.</p><p>« Voici Sir William. »</p><p>« Merci. »</p><p>La demeure avait tout de celle d’un grand noble. Fraîche, éclatante, étincelante. Même en cette saison, les fleurs dansaient et l’eau courait. C’était beau, plein de goût, et plus dispendieux que tout.</p><p>(Voilà donc ce que donne un noble porté sur les lettres ?)</p><p>Il ne sentait rien de la solitude qui régnait chez Krüger ou chez Oswald. Le sang, la guerre, les épées et les arcs étaient bien loin d’ici. On y aimait les fleurs, on chantait, on parlait d’amour. Une scène de paradis…</p><p>(Ah… quelle sensation répugnante.)</p><p>Sous son masque, William crispait les traits. Une part de lui reculait d’un pas, prête à se cabrer. Difficile d’imaginer qu’une sœur aînée avait vécu en ce lieu. Et pourtant, c’était très probablement le cas. Toute la ville avait contribué à façonner en lui un tel ravage.</p><p>« Si vous tournez à ce coin, vous arriverez à la chambre privée de la demoiselle. »</p><p>La soubrette ne semblait pas vouloir aller plus loin : elle s’arrêta là, en direction de la porte.</p><p>« Merci de m’avoir guidé. »</p><p>William se posta devant la porte indiquée.</p><p>Il sentait la soubrette observer la scène derrière lui sans en avoir l’air. Rien d’ostentatoire, mais il la devinait au coin de l’œil : chacun de ses gestes était scruté.</p><p>(Personnel spécialement engagé ? Elle est plutôt forte.)</p><p>Il n’émanait pas d’elle la même intimidation que du Dragon Blanc, mais elle était clairement une experte. Sous leur surveillance, un assassin ordinaire serait vite mis en échec.</p><p>(Bah, peu importe. Je ne tuerai pas Vlad aujourd’hui.)</p><p>William posa la main sur la poignée.</p><p>(Voyons un peu, comte Vlad.)</p><p>Il tira lentement, ouvrant peu à peu son champ de vision.</p><p>« Soyez le bienvenu, Capitaine de Cent William Livius. Non, devrais-je dire Sir William ? »</p><p>Comme ce jour-là, le comte Vlad était là. Assis dans un fauteuil, pipe aux lèvres, il adressa à William un sourire chaleureux. Son visage se reflétait dans les yeux de William.</p><p>« Merci de m’accorder audience malgré la soudaineté de ma demande. »</p><p>William inclina la tête.</p><p>« Allons, allons. Inutile d’être si raide. Asseyez-vous donc. »</p><p>Vlad désigna le fauteuil en face de lui. William baissa à nouveau la tête :</p><p>« Veuillez m’excuser. »</p><p>Puis il prit place. Vlad et lui se retrouvèrent face à face.</p><p>« Avant tout, félicitations. Un commandement de cent hommes, un titre de chevalier : ni l’un ni l’autre ne s’obtient aisément. »</p><p>Vlad parlait d’une voix douce, paternelle.</p><p>William luttait pour retenir l’envie de rire. L’homme qu’il haïssait tant, celui contre qui sa colère hurlait, se trouvait devant lui avec un visage de père. Comment ne pas trouver cela cocasse ?</p><p>Il fit de son mieux pour juguler la marée de pensées prête à déborder. Il restait maître de lui.</p><p>« …Non, c’est entièrement grâce à l’aide de Lord Vlad. »</p><p>Vlad lâcha un « vous exagérez » poli, sans pour autant démentir.</p><p>« Vos exploits sont parvenus à mes oreilles. Nombreux seront ceux qui voudront vous recommander pour la chevalerie. J’en fais, bien sûr, partie. »</p><p>Vlad souriait. Mais ses yeux, eux, ne riaient pas. Comme Laurent, il jaugeait la valeur de William. Insidieusement, lentement, il cherchait à sonder son abîme.</p><p>« Hm. Ce n’est pas sérieux de parler sans vin. Allons, on doit bien avoir quelque chose de convenable pour William. »</p><p>La porte s’ouvrit aussitôt, comme si tout avait été préparé.</p><p>« J’apporte le vin, père. »</p><p>C’était manifestement organisé.</p><p>« Oh, Viktoria. Tu arrives à point nommé. »</p><p>« Bien sûr, père ! »</p><p>Elle était belle. Une très belle jeune femme, même aux yeux de William. Une atmosphère vive, idéale pour une fille de grande maison. Grâce inédite, parfum de rose, léger et suave.</p><p>(Je vois. C’est donc ça, ton plan ?)</p><p>William marqua un point dans sa tête.</p><p>« Permettez que je vous la présente, William. Ma fille Viktoria, qui aura quinze ans cette année. »</p><p>« Viktoria von Bernbach. Enchantée de faire votre connaissance, Monsieur William. »</p><p>Une fleur épanouie. On ne pouvait rêver mieux comme demoiselle noble. Était-ce là l’œuvre dont Vlad se montrait si fier ?</p><p>« Elle n’est pas encore assez aguerrie en danse et en manières pour entrer dans le grand monde, mais pour le reste, elle est tout à fait présentable. Qu’en pensez-vous ? »</p><p>William s’efforça de dissimuler son sourire amer.</p><p>Vlad tentait à l’évidence de lui offrir sa fille. Le moyen le plus simple de pénétrer l’intimité de quelqu’un est de devenir parent par alliance. Bien trop direct, difficile à refuser. William voyait pour la première fois le monstre qui se tenait devant lui sans masque.</p><p>Un monstre souriant.</p><p>« Alors ? »</p><p>Alors que William gardait le silence, en proie au trouble, le sourire de Vlad ne vacillait pas.</p><p>« Quel âge avez-vous déjà, cette année ? »</p><p>« …J’ai vingt-deux ans. »</p><p>« Hm, un très bon âge. Parfait pour se marier et s’établir. »</p><p>Il ne lui laissait aucune échappatoire. William sentit la sueur froide lui couler dans le dos. C’était sans doute là la manière de Vlad en matière civile. Il mesurait parfaitement la portée de chaque mot. Exploitait habilement la différence de position. Dans sa situation actuelle, William ne pouvait pas se tirer facilement de ce guêpier.</p><p>« Père, vous allez un peu vite… »</p><p>William avait la sensation que toutes ses issues se refermaient. Il ne voyait aucun coup gagnant. Ou plutôt, tous les coups possibles manquaient de finesse et se retournaient contre lui.</p><p>« Hm ? Peut-être, mais nous y sommes presque. Qu’en pensez-vous, William ? »</p><p>La suite attendue était un mot qui marquerait l’acceptation d’une faveur sociale. Quoi que William dise, c’était échec et mat au profit de Vlad. Il serait happé. William devait trouver une parade—</p><p>« Je l’adore ! »</p><p>L’atmosphère se figea net. Le sourire de Viktoria se figea aussi. Elle qui était si vive, si enjouée, qui irradiait comme un tournesol, perdit en un instant toute sa prestance de demoiselle de haut rang.</p><p>« …Je vous adore. Ohoho… »</p><p>Vlad se passa la main sur le front, atterré. Son sourire se craquela pour la première fois, laissant échapper un soupir.</p><p>« …Enfin, c’est une brave fille. »</p><p>Vlad lança un regard appuyé à William, puis détourna les yeux. Bien entendu, la cible de ce regard était…</p><p>« …Viktoria. »</p><p>sa fille.</p><p>« …Oui, père ? »</p><p>Viktoria tentait désespérément de retrouver son air pétillant. Un sourire figé sur le visage.</p><p>« Je croyais que Wilhelmina t’avait appris comment saluer. »</p><p>« Elle m’a appris. …Suffisamment. »</p><p>« Vraiment ? »</p><p>« La sœur Thérésa aussi. …Pendant cinq minutes. »</p><p>« …Espèce de… Toujours pareil jusqu’au bout… »</p><p>William était figé. Viktoria se faisait sermonner. Vlad sermonnait. Cette communication père-fille transparaissait clairement. Et en la voyant—</p><p>(Qu’est-ce que… c’est ?) </p><p>William—</p><p>(Ne te fous pas de moi.)</p><p>Le petit monstre en lui se mit à trembler.</p><p>L’homme infâme qui lui avait volé sa sœur lui offrait ce tableau. S’il s’était agi d’un noble hautain, froid et détestable, William aurait pu l’ériger sans peine en ennemi. Il en avait même eu un aperçu. Il se préparait psychologiquement à combattre. Il s’était persuadé que cet homme était un adversaire digne de sa vengeance. Mais cet homme—</p><p>(Toi, qui l’as prise. Toi, qui m’as pris ma sœur… !)</p><p>Une tour se mit à vaciller à l’intérieur de William. Il chancela. Une voix hurlait. Al rugissait. Son autre lui, voué au calme, criait, tuant, tuant. Il le houspillait en cet instant, lui reprochant d’avoir tout perdu et d’avoir été massacré.</p><p>L’amour des parents qu’Al désirait sans jamais l’obtenir. L’amour de sa sœur qui en tenait lieu. Et l’homme qui le leur avait arraché exposait sous ses yeux une scène débordante d’affection. Comment pourrait-il supporter cela sans perdre l’esprit ?</p><p>(Espèce d’idiot. Ce n’est pas ici que je peux faire quoi que ce soit.)</p><p>Accomplir sa vengeance dans un tel contexte n’aurait aucun sens. Il ne ferait qu’éclater le noyau même de son être. Au lieu de saisir le ciel, il retomberait au sol. Et une fois chuté par sa propre volonté, il ne remonterait plus. Il ne devait pas.</p><p>« Je… je suis désolée. »</p><p>« Ne viens pas me voir. Tu es vraiment… »</p><p>Derrière le masque, William écrasa « Al » en lui. Fermement, méthodiquement. Quoi qu’il arrive, il ne devait pas lui laisser reprendre le contrôle, ne serait-ce qu’un instant. Il n’avait pas enduré tout cela juste pour tuer Vlad ici. Ce serait d’une absurdité crasse.</p><p>« …Descends pour l’instant. Nous parlerons plus tard. »</p><p>« Oh, d’accord. Eh bien, William, à bientôt ! »</p><p>Viktoria quitta la pièce. Sa démarche n’avait rien d’une prêtresse ; Vlad poussa un nouveau soupir, puis se tourna vers William et s’inclina profondément.</p><p>« Je vous prie de m’excuser. Ma sotte de fille s’est comportée grossièrement. J’aurais voulu qu’elle gagne un peu plus de grâce auprès de ces sœurs… Mais je voudrais que vous compreniez au moins ceci. »</p><p>Les yeux de Vlad brillèrent. William restait suffisamment lucide pour ne pas manquer cela.</p><p>« C’est un sujet qui me tient réellement à cœur. C’était la première fois que je l’emmenais à un tel endroit. Oui, ce jour-là, celui où vous nous avez protégés des assassins. Quand la fumée s’est dissipée, que la lumière de la lune vous a éclairé et que vous avez vu mon visage… Depuis ce jour, il ne s’est pas passé une seule journée sans que Viktoria prononce le nom de William Livius. »</p><p>Une autre voix monta des profondeurs de William. Il n’était pas question de se laisser amadouer par ce ton. Vlad venait de changer d’angle, se servant de la gaffe de sa fille pour resserrer son emprise. Puisqu’il était difficile à repousser, autant faire mine d’accepter le terrain.</p><p>« Elle qui ne se souciait ni de danse ni d’étiquette, qui n’avait aucun intérêt pour ce qu’on attend d’une fille de noble, s’est soudain mise à ne parler que de vous. Même si cet engouement devait s’atténuer, il lui restera quelque chose. »</p><p>Il mettait en avant les sentiments de sa fille.</p><p>Ma fille vous aime à ce point. Voilà ce que Vlad lui disait.</p><p>« Je vous remercie de cet honneur. »</p><p>Il ne pouvait plus se permettre de lui concéder davantage.</p><p>« Je demeure un citoyen, même si je suis chevalier. Bousculer les affections d’une famille noble, d’une maison de guerriers, serait regrettable. »</p><p>William tentait de renverser l’argument. Vlad ne céda pas.</p><p>« Si je dis que cela ne me pose aucun problème, cela vous suffit-il ? »</p><p>Un mot tranchant de Vlad. Difficile de répliquer face à une affirmation venue d’un supérieur.</p><p>« …… »</p><p>William passa en revue plusieurs options. Mais aucune n’était efficace. Au fond, si Vlad le pressait sérieusement, son subordonné William ne pouvait que s’incliner. Tout dépendait désormais du bon vouloir de Vlad.</p><p>« C’est un peu cruel de ma part, je l’admets. Mais ma fille est sincère. Gardez cela à l’esprit quelque temps. »</p><p>Le sourire de Vlad disait clairement son intention. Il ne comptait pas le brusquer, mais il ne faisait aucun doute qu’il voulait l’attirer dans son giron. William avait la sensation d’être déjà pris au piège dans le nid du monstre.</p><p>« …Entendu. »</p><p>William ne put que laisser échapper ce mot. Ajouter quoi que ce soit risquait de tout gâcher. Vlad avait une longue expérience d’homme d’État. Il maîtrisait l’usage des mots, l’art de guider une conversation, les intonations, les gestes, les habitudes.</p><p>William, lui, s’était hissé jusqu’ici comme homme de guerre. Sur le terrain des lettres, il restait un amateur. Face à lui se tenait un professionnel qui vivait de cela au quotidien. Il lui manquait l’expérience pour rivaliser.</p><p>« Oh, j’allais oublier. »</p><p>Vlad versa un vin au parfum doux et capiteux. Il en présenta un verre à William.</p><p>« Avec un peu de retard, trinquons. À notre rencontre. »</p><p>« À notre rencontre. »</p><p>Les verres tintèrent. Le son clair du cristal.</p><p>Ce fut le bruit de la guerre entre William et Vlad.</p><p>○</p><p>William avait achevé cet entretien à la fois creux et tendu avec Vlad. Il avait bu environ quatre verres d’un vin de grande qualité. Bien sûr, s’il s’était laissé enivrer, il se serait probablement réveillé le lendemain matin aux côtés de Viktoria.</p><p>Flatteries et alcool : ces deux armes ne pardonnent aucune erreur. Une langue qui fourche est aussitôt exploitée ; un excès de boisson, et l’on vous fabrique des faits accomplis. C’était aussi impitoyable qu’un champ de bataille. Non, c’était sans doute le champ de bataille des hommes de cour. Incapables d’imposer leur raison par la force, ils livraient parfois des luttes plus ardues encore.</p><p>« Ce fut un moment très agréable. Il y avait longtemps que je n’avais pas autant conversé. »</p><p>Vlad semblait ravi. Il avait obtenu ce qu’il voulait : un lien. Un lien avec William.</p><p>« L’hiver approche. Je ne quitterai pas Arcas. Revenez. Ma fille s’en réjouira. »</p><p>En échange de la chevalerie, William s’était à moitié remis entre les mains de Vlad. Inévitable, mais ce titre risquait de lui coûter très cher.</p><p>« Bien sûr, monseigneur le comte. Je reviendrai. »</p><p>« Allons, ne faites pas tant de façons. Dans ce cas, appelez-moi “père”. »</p><p>Le ton se voulait badin, mais ses yeux, eux, ne riaient pas.</p><p>« Hahaha. »</p><p>Il esquiva. Toute réponse explicite se retournerait contre lui. L’acquiescement serait exploité ; le refus aussi. Le silence valait de l’or. Pour l’instant, il ne pouvait que rire et éluder.</p><p>« Sur ce, veuillez m’excuser. Merci encore pour aujourd’hui. Je vous rendrai la pareille un jour, d’une manière ou d’une autre. »</p><p>Derrière ce « d’une manière ou d’une autre », Vlad dissimulait toutes sortes d’exigences : en d’autres termes, les contreparties de la chevalerie. William venait de s’engager à les lui offrir sous une forme ou une autre. Restait à voir laquelle.</p><p>« J’attends cela avec impatience, mon ami William Livius. »</p><p>Vlad tendit la main pour une poignée. William répondit avec le sourire.</p><p>« Je ferai de mon mieux pour être à la hauteur de vos attentes. »</p><p>Sur ces mots, William se dégagea, rejeta sa cape et tourna les talons.</p><p>« À bientôt. »</p><p>Vlad suivit des yeux le dos de William qui s’éloignait, le visage figé. Son regard pesait sur lui jusqu’au dernier instant, évaluant la pièce qu’il venait de s’adjoindre.</p><p>○</p><p>En marchant, William réfléchissait à ses prochains mouvements. Sa rencontre avec Vlad représentait pour lui un grand pas en avant. La différence de traitement entre un simple capitaine de cent hommes et un capitaine anobli était énorme. Même roturier, un titre de chevalier, avec les quelques prérogatives nobiliaires qu’il entraînait, restait considérable. En contrepartie, il venait de livrer son corps à Vlad—</p><p>(La fenêtre pour l’assassinat. On dirait qu’elle est assurée.)</p><p>À vrai dire, même pour William, la situation était plutôt savoureuse. L’algorithme pour tuer Vlad devenait beaucoup plus simple une fois infiltré. Il ne restait qu’à choisir la mise en scène et la manière de l’abattre. Bien entendu, après avoir sucé la moelle jusqu’au bout.</p><p>(Mais il faudra manœuvrer finement. Si je m’implique trop, je serai entravé, incapable de bien préparer la scène. Je ne peux pas me permettre d’attendre cinq ans. C’est trop nu.)</p><p>Désormais, tout devenait complexe. À mesure que ses responsabilités grandissaient, son ascension le liait à plus de gens, traçait une route vers les cieux, et dressait autant d’obstacles. Un monde effroyable où la moindre erreur signifiait la mort. Plus on montait, plus la chute devenait brutale.</p><p>(Voyons un peu comment cette maison, qui compte m’utiliser, va s’y prendre…)</p><p>Une buée blanche effleura les lèvres de William. Saisi par le froid soudain, il interrompit un instant sa réflexion. Buée blanche, flocons légers : l’hiver arrivait.</p><p>(Pour la saison, c’est logique qu’il fasse si froid. Pas encore assez pour que la neige tienne.)</p><p>Le jour restait clair, mais la nuit était mordante. Les pas de l’hiver. Et, pour les esclaves et les plus pauvres, les pas de la mort. Chaque année, beaucoup ne survivaient pas à la rigueur de la saison et gelaient. La nourriture, raréfiée, devenait précieuse, et ceux qui ne pouvaient se la payer n’avaient plus qu’à mourir. Froid et faim : l’hiver prenait d’innombrables vies.</p><p>William n’en faisait plus partie. Kyle, roi des gladiateurs très bien payés, et Favela, voleuse d’élite solidement établie, jouissaient de revenus suffisants pour ne plus craindre ni le froid ni la faim. À y penser, il avait bien fait d’en arriver là. Quand il vivait avec sa sœur, ils avaient frôlé la mort tant de fois…</p><p>(Je suis devenu plus fort. L’hiver ne me fait plus peur, je mange à ma faim, je dors dans des couvertures chaudes. Et malgré tout, pourquoi ne suis-je pas aussi comblé qu’en ce temps-là ?)</p><p>William prit soudain conscience de ce vide en lui. Même si la place laissée par la morte était occupée en surface, il y avait en lui un grand trou béant. Autrefois, sa sœur le comblait. À présent, rien. Ni Kyle ni Favela ne pouvaient le remplir. Il ne pouvait pas se le permettre.</p><p>Il ignorait ce qui manquait à cet endroit-là. Et même s’il l’avait su, il aurait craint d’y laisser entrer quelqu’un, ou quelque chose. Comme Kyle, William avait peur de perdre. À ceci près qu’il préférait ne pas posséder dès le départ. Sans rien à protéger ni à aimer, il n’y avait rien à perdre. Si Kyle et Favela avaient été écartés, au fond, c’était par faiblesse.</p><p>Une silhouette apparut dans son esprit. William secoua la tête : impossible.</p><p>« Ah, c’est William. »</p><p>Une brève ouverture dans son flot de pensées. Et c’était toujours « cette femme » qui venait s’y glisser. Avant qu’il ne bâtisse son moi actuel, il n’avait eu avec elle que quelques échanges.</p><p>« Pourquoi… vous ? Et avec des vêtements aussi légers, par ce froid ? »</p><p>Au premier coin après la maison Bernbach, à une courte distance, Viktoria, qu’il venait à peine de rencontrer, se tenait là, grelottante. Elle ne portait plus la robe d’apparat d’il y a peu, mais probablement une tenue de nuit. Elle devait être transie.</p><p>« Eh bien, il ne fait pas si froid. »</p><p>Sans tenir compte de cette bravade inutile, William posa sa cape sur ses épaules. Ce geste ne venait pas de la bonté : il voulait éviter toute agitation qui pousserait Vlad à intervenir. Il ignorait ce qui se passerait s’il l’ignorait purement et simplement. Il n’était pas assez stupide pour prendre ce risque.</p><p>« Nous sommes déjà en hiver. Il fait bien plus froid que vous ne le pensez. »</p><p>« Hihi », fit Viktoria en riant. Elle n’avait plus rien de l’air calculateur affiché plus tôt. Rien de cela—</p><p>« C’est normal. Dans cette tenue… Depuis quand êtes-vous là ? »</p><p>Viktoria tenta de compter sur ses doigts, mais comme elle n’avait aucun moyen réel d’évaluer le temps, elle finit uniquement par se les tordre. Après un instant de réflexion, elle rougit et baissa la tête.</p><p>« Quand j’ai quitté la pièce de mon père, je suis retournée dans la mienne et… je n’arrivais pas à attendre, vraiment pas, alors je suis venue ici pour vous attendre. »</p><p>William en resta coi. Sa conversation avec Vlad avait été longue. Si elle l’attendait depuis ce moment-là, cela faisait bien plus d’une ou deux heures qu’elle était dehors, dans cette tenue.</p><p>« Pourquoi faire une folie pareille ? À cette saison, des gens meurent de froid. »</p><p>Certains, ivres, s’effondraient et gelaient sur place. On ne devait jamais sous-estimer ce froid.</p><p>« J’avais montré quelque chose de tellement embarrassant que j’avais peur que vous me détestiez. Je me retournais le cerveau, je voulais vous revoir, vous parler, réparer mon impolitesse. »</p><p>(Elle vient de tourner ça en belle déclaration…)</p><p>Viktoria sourit de toutes ses dents, sans remarquer son lapsus. Rien en elle ne sentait la noblesse. C’était justement le problème.</p><p>« Alors je me suis dit que si je me montrais encore et encore, vous finiriez par m’appeler. »</p><p>« Vraiment !? »</p><p>Viktoria s’approcha vivement. Ses mains glacées saisirent celles de William, son visage s’arrêta à moins de dix centimètres du sien.</p><p>« J’étais terrorisée ce jour-là, tapie derrière mon père. Puis vous avez vaincu nos ennemis, vous nous avez sauvés, moi aussi… C’était la première fois qu’en voyant un homme, j’avais si chaud au cœur ! Vous étiez aussi beau qu’un prince de conte, tellement cool. J’ai prié pour vous revoir un jour. »</p><p>Viktoria débita cela d’une traite. Elle parlait avec un bonheur si franc que William comprit aussitôt qu’il n’y avait aucun mensonge là-dedans. Déceler le mensonge ne lui posait aucune difficulté. Il n’en sentait pas la moindre odeur.</p><p>Un sentiment brut, terrifiant.</p><p>« Alors j’ai supplié mon père de faire de vous un chevalier ! Je n’étais pas certaine qu’il y arriverait, mais tout à l’heure il m’a dit que je pourrais vous revoir. J’ai sauté de joie. »</p><p>À voir ce sourire éclatant, William sentait ses traits se crisper. Ce visage lui rappelait trop—</p><p>« J’ai rassemblé toutes mes sœurs pour une grande réunion. Je me suis aussitôt portée volontaire quand on a parlé de la question de savoir qui épouserait William. Apparemment, l’une de mes cadettes était la première candidate. Ernesta. Je lui ai donné des sucreries à l’avance pour la convaincre d’abandonner, et comme ça j’ai pu venir. »</p><p>Brusquement, Viktoria baissa un peu la tête.</p><p>« À partir de ce jour-là, j’avais décidé d’étudier le protocole, la conversation, tout ça… Mais impossible de me concentrer, et je me suis contentée de grignoter des sucreries. Enfin, un peu seulement. »</p><p>Elle était pleine de failles, à tous les niveaux. Parmi toutes les personnes que William avait croisées, elle sortait du lot. Une sorte de version féminine de Kyle : terriblement inutile par certains aspects, sans aucune retenue à se dévoiler.</p><p>« À cause de ça, j’ai tout raté aujourd’hui, je me suis dit que vous alliez me détester, alors j’ai encore mangé des sucreries, puis je me suis roulée dans mon lit, j’ai pleuré, je me suis cogné le front et j’ai eu une illumination : j’allais vous attendre ici pour m’excuser. »</p><p>En regardant de plus près, William remarqua un morceau de sucrerie au coin des lèvres de Viktoria, et une légère bosse rouge sur son front. Il en fut presque consterné : comment une fille de si bonne maison pouvait-elle être ainsi ?</p><p>« Et je vous ai trouvé ! »</p><p>Son sourire éclata. William en eut presque peur.</p><p>« Je vous aime. Depuis le premier jour. Aujourd’hui encore, je vous aime encore plus. Épousez-moi, je vous en prie. Il y a beaucoup de choses que je ne sais pas faire, mais j’ai de l’amour à revendre. Je suis très forte pour ça ! »</p><p>C’était trop rapide. Sans détour, sans mensonge, sans lettres ni intermédiaires, elle disait simplement tout ce qu’elle pensait. Cette franchise était telle que—</p><p>« Ku… kuh… ahahahaha ! »</p><p>William éclata enfin de rire. À force de mentir, à force de ne plus savoir où était le vrai, ce rire-là était authentique. Il ne se souvenait plus de la dernière fois qu’un tel rire lui était venu. Il ne pensait plus à rien, il riait juste.</p><p>« Ne riez pas ! Je suis sérieuse ! »</p><p>Viktoria protesta, vexée. Cela faillit lui arracher un nouveau fou rire, mais il se retint et la regarda.</p><p>William comprit.</p><p>« Pardon. C’est juste… une déclaration trop directe. C’est la première fois qu’on me dit ça. Je n’ai jamais été aussi proche d’une femme. »</p><p>En entendant cela, Viktoria sembla prendre enfin conscience de la proximité, puis, le visage en feu, elle se rapprocha encore.</p><p>« Vous n’avez jamais fréquenté de femme ? »</p><p>« Non. J’ai passé mon temps sur les champs de bataille. »</p><p>« Vous n’êtes pas marié, dans votre pays ? »</p><p>« Non. Sinon, je ne serais pas venu dans celui-ci. »</p><p>Viktoria fit un petit geste victorieux. Chez elle, l’expression des émotions semblait toujours démesurée. Décidément, rien de très noble.</p><p>« Dans ce cas, il n’y a aucun problème à m’épouser ! »</p><p>Elle se pencha, pleine d’entrain. William eut un sourire amer.</p><p>« Une rencontre pareille mérite mieux. J’aimerais la traiter avec un peu plus de soin. J’aimerais prendre le temps de laisser ce lien, né aujourd’hui avec vous et votre père, se développer. »</p><p>Viktoria accusa le coup : elle comprit qu’il venait de la refuser.</p><p>« …Vous avez quelqu’un que vous aimez ? »</p><p>« Non. Je veux simplement du temps pour apprendre à nous connaître. Il n’y a pas lieu de se presser. Et peut-être qu’en apprenant à me connaître, vous serez déçue. Ou l’inverse. »</p><p>Viktoria se mordit les lèvres. Après un bref silence, elle parla.</p><p>« Je ne regrette rien. Je pense que ceux qui étouffent ce genre de sentiments le regrettent toute leur vie. Mais je sais aussi qu’il faut du temps. Je me suis un peu emballée… peut-être beaucoup. »</p><p>Elle releva le visage et souriait toujours. Un sourire encore un peu tremblant.</p><p>« Je vais mieux vous connaître, William, vous aimer davantage, et je finirai par vous faire m’aimer ! Prenez tout mon amour de plein fouet ! »</p><p>Sur ces mots, Viktoria se jeta contre lui et le serra de toutes ses forces. Avec une ardeur capable de faire fondre la neige, elle lançait ainsi, à sa manière, une véritable déclaration de guerre.</p><p>William comprit. Cette femme était terriblement dangereuse pour lui.</p>
Revision Notes
Correction systématique des tournures maladroites ou calquées sur l’anglais/japonais pour une prose française fluide (« employé divers stratagèmes », « neutralisés », « aucun échappatoire », etc.). Harmonisation des temps et des registres (présent de narration vs passé, maintien d’un passé narratif cohérent, cohérence du vouvoiement et du langage de cour). Clarification de passages obscurs tout en respectant le sous-texte (jeu politique de Vlad, lecture stratégique de William, "fenêtre pour l’assassinat" plutôt que formulations littérales confuses). Maintien et lissage de la voix interne de William avec des parenthèses, en évitant les ruptures de ton trop contemporaines ou comiques non voulues. Conservation intégrale des balises HTML et de la structure de paragraphe demandées. Ajustement du lexique pour respecter le ton light novel sérieux / politique ("hommes de cour" plutôt que "hommes de bureau", "piège", "nid du monstre", etc.). Respect des noms propres et des titres déjà établis (Vlad, Viktoria, Bernbach, Capitaine de Cent, Sir William, etc.), sans francisation abusive. Correction de micro-incohérences logiques ou de contresens mineurs (clarification sur la promesse de contrepartie pour la chevalerie, sur la durée d’attente de Viktoria, sur l’intention de Vlad). Adjust Vlad's recollection line to restore correct POV and accuracy: replace "que la lumière de la lune vous a éclairé et que vous avez vu mon visage" with something comme "que la lumière de la lune vous a éclairé et que j’ai vu votre visage" (ou formulation équivalente), ce qui correspond au souvenir original où Vlad découvre William. Clarify the opening about Anselm to retain the nuance of class tension: par exemple, "Il risquait en outre de paraître étrangement déplacé, et de susciter le dégoût en donnant l’impression qu’un simple citoyen fraîchement anobli collait aux basques des grands nobles" pour garder l’idée de roturier qui 'ramène sa voix' face aux nobles. Harmonize naming and titles for consistency: choisir une forme stable comme "la demeure de la famille Vlad" et "maison Bernbach" en expliquant, si nécessaire dans le contexte global du roman, le lien entre Vlad et Bernbach (titre, nom de famille). De même, fixer "Capitaine de cent hommes" ou "commandant d’une centaine d’hommes" comme désignation de grade. Recalibrate Viktoria’s initial gaffe to better align with the intended comedic love confession: remplacer "Je l’adore !" par "Je vous aime !" suivi de sa correction gauche (par ex. "…Je vous aime. Ohoho…"), ou "Je vous adore !" puis reprise, afin de refléter "I love it!/I love you" maladroit, au lieu d’un "je l’adore" ambigu portant sur un objet. Slightly tone down or mark interpretative additions as internal perception to preserve accuracy: par exemple, "Puisqu’il était difficile à repousser, autant faire mine d’accepter le terrain" pourrait devenir "Il donnait l’impression de se servir de la gaffe de sa fille pour resserrer son emprise ; s’il était difficile à repousser, mieux valait, en apparence, accepter le terrain" afin de l’ancrer clairement comme analyse de William. For the sentence "Si Kyle et Favela avaient été écartés, au fond, c’était par faiblesse.", align more strictly with the introspective nuance: "S’il avait tenu Kyle et Favela à distance, c’était par faiblesse, au fond." Cela reste fidèle sans sur-objectiver. Consider slightly roughening William’s internal monologue to keep his fractured tone: conserver des phrases plus courtes, des incises entre parenthèses, surtout dans les passages de colère intérieure contre Vlad, pour mieux refléter l’original. Minor lexical tweaks for precision: remplacer "homme d’État" par "homme de cour" ou "haut fonctionnaire"; "terriblement inutile" (pour Viktoria) est bien mais peut être ajusté selon le ton global de la série. Relire l’ensemble pour vérifier la ponctuation des dialogues et la cohérence des tirets / guillemets, mais c’est essentiellement propre.