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Nov 13, 2025
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Original Title

Chapitre 12

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<h1>Chapitre 12</h1><p>William marchait seul dans Arcas, la capitale d’Arcadia. Il n’avait aucune destination précise, il errait simplement dans les rues. Un moment inhabituel, rare pour William qui n’aimait pas perdre son temps. Il avait bien trop de choses à considérer, et son esprit, pour un temps, refusait de fonctionner.</p><p>(Kyle travaille à l’arène, et Favela est empêtrée dans les ennuis d’un membre de guilde.)</p><p>« On dirait que c’est dur, mais ce n’est pas quelque chose qu’on puisse t’enseigner. Ou tu y arrives, ou tu n’y arriveras jamais. On ne peut pas te porter jusqu’au bout. Le talent, le sens, ce genre de choses. »</p><p>« … Donc, en gros, j’ai pas de talent ? »</p><p>« Je n’ai pas dit ça. Au contraire, je pense que tu en as trop. Si tu peux le percevoir normalement, tu devrais pouvoir l’utiliser tout de suite. Reste à voir si tu peux ou pas. »</p><p>« J’vois pas. Explique-moi pour que je comprenne. »</p><p>« Impossible. Tu ne sais pas tout de moi. L’inverse est vrai aussi. »</p><p>« … Tch. »</p><p>« Désolé. Bon, si je dois te donner un conseil… accepte-moi, … non, laisse tomber. Tu es trop mauvais pour ça. »</p><p>« Je ne comprends pas ce que tu veux dire. »</p><p>William se remémora sa conversation avec Kyle l’autre jour. Le fait de n’avoir rien saisi au final lui laissait encore un bloc coincé en travers de la gorge.</p><p>« Tch, pourquoi je ne peux pas devenir fort, vite fait ? »</p><p>Pour William, c’était une sorte d’impasse inédite. Il y avait bien eu des fondrières, mais tant qu’il poussait sa réflexion et faisait des efforts, il parvenait à percer à travers presque tout. S’il lui manquait le savoir, il se procurait un environnement pour l’acquérir ; si son corps était trop maigre, il suffisait de manger ce qu’il fallait, de s’entraîner comme il faut, de gagner en connaissances et en expérience. Ça avait toujours suffi.</p><p>« Qu’est-ce que je fais maintenant ? »</p><p>Il ne pouvait pas rester éternellement à dépendre de la famille Taylor. Même sans acheter, il pouvait envisager de louer. Pour un étranger, ce serait un quartier pauvre, un loyer bas, proportionné.</p><p>(Non, même avec de petits conflits, j’ai des missions. En ce moment, je vis en chambre meublée… mais au final, ça finit par coûter cher, non ? Même une masure vraiment bon marché… Dans ce cas… autant devenir esclave et y laisser sa peau…)</p><p>Même pour ce genre de choses simples, il n’arrivait pas à arrêter son choix, son esprit tournant dans le vide.</p><p>(Qu’est-ce que je raconte comme idioties ? Ça commence à vraiment bouillir. Si je ne refroidis pas vite, je vais finir par commettre une belle erreur.)</p><p>William se frotta la tête. Sa force à lui, c’était d’être capable de trancher à tout moment. Cette force-là était morte à présent. Dès qu’il réfléchissait à ce qu’il devait faire, ses pensées revenaient à « ça ». L’écart de puissance inconcevable, et l’image répugnante de son propre neveu reflétée dans ses yeux.</p><p>(Merde, oublie ça pour l’instant ! Il y a tant de choses auxquelles penser !) </p><p>Et malgré tout, ça ne sortait pas de sa tête.</p><p>William était en plein tourment.</p><p>« Excusez-moi. Je suis désolé de vous mettre mal à l’aise en vous parlant de mes produits… Si vous les voulez moins chers, dites-le franchement. »</p><p>« Non, ce n’est pas… »</p><p>« Et si ma réputation chute, comment voulez-vous que j’assume ? »</p><p>William leva les yeux. Juste devant lui, un petit étalage. Un stand de plein air spécialisé dans les tissus. Visiblement une dispute avec un client. Naturellement, William n’avait aucune intention de se mêler de leurs affaires. Cependant—</p><p>« Que se passe-t-il ? »</p><p>William était à cran.</p><p>« Oh, cher client. Il se plaint de mes produits. Il prétend que ce tissu ne vient pas de Nederlux. Un si beau tissu de soie, forcément de Nederlux, non ? N’est-ce pas, jeune homme ? »</p><p>William s’approcha du vendeur. Il jeta un rapide coup d’œil au client qui se plaignait, mais ce dernier baissa la tête, et son visage resta invisible. William ne s’y intéressait pas.</p><p>En somme, il avait juste besoin d’évacuer sa tension.</p><p>« Oh, c’est un joli tissu. Je peux le toucher un instant ? »</p><p>Le marchand hésita un instant. Ce moment suffit à William pour déterminer de quel côté se trouvait le mensonge.</p><p>« Je ne remets pas votre parole en doute. J’y connais peu de chose en tissu. Je veux juste toucher ce qui est beau et précieux. »</p><p>« Oh, bien sûr, je n’y vois aucun inconvénient. »</p><p>Le reste n’était plus qu’à écraser.</p><p>« Oh, c’est une bonne soie. Dites-moi, patron, ça… comment c’est tissé ? Non, c’est seulement pour ma culture. »</p><p>À cet instant, le teint du marchand se décomposa. Le client qui se plaignait derrière réagit aussi, sursautant.</p><p>« Ça ne vous regarde pas ! Vous n’avez rien à voir là-dedans. Allez-vous-en ! »</p><p>William sourit. À première vue, c’était le sourire d’un jeune homme correct,</p><p>« La soie de Nederlux, c’est du satin, du tissage satin. Votre tissu est aussi de la soie, mais en tissage simple. Je ne dis pas que l’un est meilleur que l’autre, ce n’est pas la question. Mais prétendre que c’est du Nederlux, c’est du mensonge. »</p><p>mais son sourire débordait d’une noirceur démoniaque.</p><p>Le visage du marchand devint livide.</p><p>« Oh, je ne connais pas la qualité de votre tissu, par contre… »</p><p>« En effet, je ne sais pas juger. Mais j’ai les connaissances. Les produits de Nederlux sont en satin, ceux en soie tissés en plaine viennent du nord-ouest d’Alcus. Sur le marché, même pour de la soie, les prix sont différents. Sans parler de savoir lequel est plus cher. »</p><p>Le marchand resta muet. Autour, les regards se tournèrent vers lui, hostiles. Dans ces conditions, il ne pourrait plus faire affaire ici.</p><p>« Bon, le tissage simple est solide, c’est un bon produit en soi. »</p><p>Sur ces mots, William tourna le dos à l’étal. Tandis que le marchand s’effondrait, à genoux, ce désespoir nourrit le sentiment de satisfaction sombre qui remontait chez William.</p><p>(Oh, clair.)</p><p>Sa tête tournait déjà mieux qu’un peu plus tôt. Faire tomber les autres, les écarter et leur prendre une part de leur vie. Reconnaissant la douceur de la victoire, William fut légèrement secoué.</p><p>(Mais les gens du peuple qui viennent dans ce genre de rue sont rarement capables de voir la vérité.)</p><p>Qu’il s’agisse de satin ou de tissage simple, ça restait de la soie. Dans une boutique de luxe fréquentée par des citoyens de premier rang, la nuance aurait eu de l’importance. Mais trouver ici, sur un marché à ciel ouvert pour deuxième, troisième zone, ou même sans-citoyens, quelqu’un qui connaisse les différences de tissage de la soie, c’était inattendu.</p><p>(Et de toute façon, c’était idiot de relever ça ici. Personne n’a besoin de produits de luxe dans un endroit pareil.)</p><p>Même si on y vend des cadeaux, il n’y avait aucune raison pour qu’un étal de rue manipule des pièces aussi luxueuses. Il avait pointé du doigt en sachant pertinemment qu’il cassait l’ambiance. Le vendeur n’avait qu’à s’y faire.</p><p>« … Bon, maintenant que ma tête tourne mieux, je vais aller pêcher une bonne opportunité ou deux. »</p><p>William se redressa un peu et s’efforça de purifier son humeur.</p><p>« … Hm. »</p><p>(D’abord, louer une chambre. Faire ce qui peut être fait.)</p><p>« Ah, le Loup. »</p><p>Quelqu’un tira sur la manche de William.</p><p>« Hm ? »</p><p>Son regard suivit le mouvement du tissu, puis découvrit des doigts fins et nets qui s’y accrochaient, et un bras délicat. À cet instant—</p><p>« Hein ! »</p><p>Le visage de William se figea.</p><p>« Merci pour votre aide tout à l’heure. »</p><p>Ruthgard von Taylor s’exprima d’une voix douce. Fille de Laurent von Taylor, et sœur de Carl von Taylor, qui servait actuellement aux côtés de William dans l’armée.</p><p>« Non, non. Je n’ai fait que dire la vérité. Oui. »</p><p>William étira les joues dans une grimace forcée. À sa propre surprise, il n’arrivait pas à se contrôler comme avant.</p><p>(Aïe, elle a vu un mauvais côté. Attends… c’était donc elle, la cliente ? J’y suis pas allé un peu fort ?) </p><p>William regarda Rutgard sans trouver d’excuse. En la détaillant de nouveau, il resta frappé par l’absence totale d’aura. Perdue dans la foule, on risquait de ne même pas remarquer cette beauté.</p><p>(Quelle est la probabilité de croiser, dans une grande ville comme Arcas, une noble que je connais, à la toute fin d’une rue pareille ? Putain.)</p><p>Il avait furieusement envie de se prendre la tête entre les mains.</p><p>« Ah, j’ai entendu que vous cherchiez un logement, tout à l’heure. »</p><p>Qu’elle surgisse ainsi expliquait au moins un peu les choses.</p><p>« Oui. Je ne compte pas peser éternellement sur la famille Taylor, et maintenant que je suis payé comme soldat régulier tout comme Carl, j’aimerais réfléchir sérieusement à un logement, dans un avenir proche. »</p><p>À mesure qu’elle écoutait, l’expression de Rutgard s’assombrit. En voyant son visage, William enchaîna quelques phrases maladroites, puis se tut, sans effet.</p><p>« Pas un fardeau… je crois que personne ne pense ça de la maison… peut-être. »</p><p>Cette phrase s’effaça presque dans l’air. Elle parlait si bas que lui seul put l’entendre.</p><p>« Il vaudrait mieux économiser jusqu’à avoir un peu de marge. Quand ce sera le cas, vous pourrez convertir ça en terre ou en biens solides. Inutile de vous presser pour l’instant, je pense. Oui. »</p><p>« Non, mais… »</p><p>« … »</p><p>Rutgard, silencieuse, serra sa manche. William ne comprenait absolument pas ce qui la poussait à agir ainsi. Ni le sens de ce geste.</p><p>« Soit dit en passant, Lady Rutgard, que faites-vous ici ? »</p><p>Pour sortir de cette situation mystérieuse, William lança un sujet sans relief. Rutgard releva doucement le visage.</p><p>« … Je fais des achats. Notre maison est liée à des entreprises de confection, alors je sais un peu coudre et dessiner des modèles, et une amie m’a demandé de coordonner sa tenue pour une fête. Donc je suis venue acheter des tissus. Enfin, je n’ai encore rien acheté. »</p><p>Vu la manière dont elle parlait d’acheter du tissu, Rutgard semblait prête à fabriquer des vêtements depuis zéro. Regarder des habits n’était pas la même chose que les faire. Sans doute son amie avait-elle demandé le premier, mais Rutgard avait compris le second, et s’était retrouvée seule, noble demoiselle, à faire ses courses dans un tel endroit.</p><p>(Quelle inconscience.)</p><p>William eut envie de se tenir la tête. Cette demoiselle Taylor vivait dans une dimension différente de la noblesse qu’il connaissait. Dans ce tableau, William était le maillon le plus faible : incapable de la prévoir ni de la calculer.</p><p>(Et elle ne lâche toujours pas ma manche. Pourquoi ?) </p><p>Si ça continuait, la journée passerait ainsi. Il lui fallait trouver un moyen d’amener ces doigts à lâcher prise, de faire bouger Rutgard. La réponse qu’il trouva fut :</p><p>« Pour vos achats… je vous accompagne, si je ne vous gêne pas ? »</p><p>Un compromis. Pour l’instant, mettre le reste de côté et se joindre à ses affaires. Il y verrait peut-être une occasion de se dégager. William calcula ainsi et s’inclina.</p><p>« Vous ne me gênez pas, au contraire, je vous suis très reconnaissante. »</p><p>Rutgard sourit doucement. Ses doigts n’en serraient pas moins sa manche avec la même constance.</p><p>« Allons-y alors. Au fait… ce n’est pas difficile de marcher comme ça ? »</p><p>Il tentait de lui faire lâcher prise, mais—</p><p>« Vraiment ? »</p><p>—elle ne sembla rien comprendre.</p><p>Leurs achats étranges commencèrent ainsi : un jeune homme en tête, une jeune fille à son bras, accrochée à sa manche.</p><p>○</p><p>Les emplettes furent nombreuses. Rutgard, décidée à tout faire elle-même sauf le travail du métal, acheta seule une grande variété de tissus, ainsi que des pierres et accessoires utiles pour les fils et les ornements de cheveux. Quand les paquets devinrent trop volumineux pour une noble demoiselle, William renonça à fuir et se résigna à les porter.</p><p>« C’est énorme. Vous allez aussi à cette fête, Lady Rutgard ? »</p><p>William portait une énorme brassée de paquets tout seul. Rutgard avait proposé plusieurs fois d’en prendre une partie, mais ils en étaient restés là. Question d’orgueil masculin et de corps endurant.</p><p>« Non, j’ai reçu une invitation, mais j’ai refusé. Je ne suis pas à l’aise quand je dois me montrer en public… même si je suppose qu’il faudrait que je m’y habitue un jour. »</p><p>Dans ce cas, la quantité achetée devenait étrange. Voyant le doute de William, Rutgard précisa :</p><p>« Je compte faire plusieurs robes, pas une seule, et laisser mes amies choisir. »</p><p>Entendant ça, William ne put que lui adresser un sourire un peu forcé. Il ignorait à quel point ses amies comptaient pour elle, mais c’était excessif. Si elle faisait tout cela gratuitement, c’était de la pure folie.</p><p>« Oh, puis-je regarder là-bas ? »</p><p>La direction où Rutgard l’entraîna était un vendeur de masques.</p><p>(Glauque. Ce sera donc un bal masqué.)</p><p>Une multitude de masques étaient suspendus. Des gouffres vides s’ouvraient au niveau des yeux et de la bouche. Pour William, un masque était quelque chose de lointain ; il n’en avait jamais porté.</p><p>« Les masques peuvent être en bois sculpté, en céramique, en métal. C’est difficile de tout faire soi-même à partir de rien, alors je préfère acheter une base et la retravailler. »</p><p>À en juger par son discours, William se dit que Rutgard, d’ordinaire si silencieuse, devenait étonnamment loquace dès qu’il s’agissait d’habillement. De toute évidence, elle aimait vraiment ça.</p><p>« Un masque, hein. »</p><p>Tandis que Rutgard examinait les masques avec sérieux, William, les mains libres, les détaillait à son tour. Comme elle l’avait dit, il y en avait en bois, en céramique, et autres. Tous, d’une façon ou d’une autre, avaient quelque chose d’inquiétant.</p><p>(C’est fait pour dissimuler ses traits. On ne lit plus l’expression, on évite de déplaire. Pratique, en un sens.)</p><p>Mais porter un masque, c’était aussi avouer qu’on cachait quelque chose.</p><p>(Je n’en ai pas besoin. Inutile de me donner une raison de paraître suspect.)</p><p>Convaincu, William détourna le regard des masques.</p><p>Le ciel s’assombrit. L’air vibrait d’une pluie imminente. Sur ces rues sans toit, la fin de journée semblait plus précoce.</p><p>Une goutte vint frapper la joue de William. La pluie arrivait.</p><p>« Un masque sert à se cacher, mais aussi à regarder en soi. »</p><p>William tourna la tête vers Rutgard, qui venait de parler. De profil, son expression lui échappait.</p><p>« Le masque, c’est une mince feuille. Une peau fine, une frontière. Mais grâce à lui, on peut se voir de l’extérieur, adopter un regard tiers. Je pense qu’un masque existe pour nous faire prendre conscience de notre propre existence. »</p><p>Dans l’esprit de William surgirent l’ombre fugitive de la fuite, la jalousie visqueuse, les papillons attirés par la lumière.</p><p>La pluie s’intensifia.</p><p>« Je ne me comprends pas. Et vous non plus, j’en suis sûre. Si ça peut servir de petite aide à ce genre de confusion… »</p><p>Rutgard se retourna. Un sourire éclatant, comme s’il avait été caché jusqu’ici. William sentit sa gorge se serrer. Il n’aurait jamais cru voir un tel sourire sur son visage.</p><p>« Tenez. Ça vous ira bien, je pense. »</p><p>Ce qu’elle lui tendit, c’était un masque blanc. Un masque couvrant les yeux, d’une forme singulière. À première vue, il rappelait un heaume de chevalier, mais sa blancheur spectrale et sa silhouette évoquaient un crâne. Des lignes rouges, tracées comme un motif, rappelaient les flammes du champ de bataille et la chair solitaire.</p><p>« Pour moi ? »</p><p>« Oui, pour vous. Merci pour la journée. »</p><p>Pour le commun, ce masque évoquerait un chevalier. L’alliance de la force et de la beauté en faisait un choix naturel.</p><p>Pour William, l’impression était tout autre. Roi des morts, maître des esprits, un miroir du « moi ». Il en ressentit une jalousie trouble. Avait-il vraiment le droit de posséder une chose pareille ?</p><p>La pluie redoubla. La plupart des étals se repliaient en hâte, et la boutique de masques devant eux avait déjà disparu. Il ne restait plus que deux silhouettes trempées sous l’averse.</p><p>William, sans même s’en rendre compte, avait passé le masque. Le rubis caché sous ses vêtements se balançait contre sa poitrine. Deux objets hideux aux yeux de Rutgard. Deux objets qui collaient parfaitement à l’homme nommé William, au dehors comme au dedans—</p><p>Une froide lucidité revint. Coupé du monde extérieur, il se percevait plus clairement, plus objectivement. Il sentait le froid de la pluie avec une netteté accrue. Sa peau ressentait les gouttes, son nez l’odeur, ses oreilles le bruit de l’eau frappant le sol, sa langue le goût qui s’en dégageait—</p><p>Face à lui, une jeune fille aux yeux mouillés par la pluie.</p><p>« Méfiez-vous de mon père. »</p><p>Rutgard s’adressa au William masqué.</p><p>« Mon père est du genre à tout faire pour la maison. La famille Taylor a bâti sa position par les marchandises. Il y a foule de barons sans héritiers, hommes ou femmes. Mon père, Laurent von Taylor, n’est pas rassasié. Quel que soit l’argent qu’il amasse, au bout du compte, c’est un homme, et il désire autre chose. Il m’a dit qu’il nous fallait cela pour continuer. »</p><p>L’image que William avait de Rutgard avait changé du tout au tout. Ce n’était plus la figure floue, silencieuse, inadaptée, incapable de lire l’atmosphère. Tout cela s’était effondré.</p><p>« Pour mon père, les gens se divisent en utiles et inutiles. Mon frère Einhart, mon frère Carl et moi étions du côté inutile. Il nous chérissait en façade, mais ne fondait aucun espoir sur Einhart. Celui-ci l’a compris et a voulu devenir érudit. Père a accepté avec joie… parce qu’il avait déjà jugé qu’il ne servirait à rien ailleurs. Je pense que mon frère est mort trop tôt. Quant à moi, comme demoiselle noble, je n’ai pas les fleurs nécessaires pour un grand mariage. »</p><p>Le contenu était sinistre, mais le visage de Rutgard n’avait rien de sombre. Au contraire, on aurait cru y voir poindre une forme de joie.</p><p>« Mais depuis qu’il vous connaît, mon père a changé l’étiquette collée à mon frère. S’il peut obtenir des mérites militaires grâce à vous, William, il pourra hausser le rang de la maison Taylor. Parce qu’il fonde des attentes sur vous, il se montre prudent. Il vous considère comme un atout. Alors soyez sur vos gardes. Une fois son jugement arrêté à votre sujet, il agira en conséquence. »</p><p>Les paroles de Rutgard se firent confuses sur la fin, mais le sens restait clair. Il n’y a qu’un nombre limité de sièges en haut. Pour que les Taylor montent, ils doivent en prendre un. Et évincer ceux qui veulent s’y asseoir. Difficile d’imaginer qu’une fois William installé, la maison Taylor le laisserait tranquille.</p><p>« Je le graverai dans mon foie. »</p><p>William ignorait pourquoi elle lui confiait cela. C’était peut-être, en soi, une manœuvre de Laurent. Malgré tout, il devait le garder en tête. Laurent von Taylor était plus dangereux qu’il ne l’avait supposé.</p><p>« Et pourquoi me donner ce masque, maintenant ? »</p><p>À sa question, Rutgard répondit avec le sourire frais d’une jeune fille ordinaire :</p><p>« Pour vous remercier de votre aide. »</p><p>Un sourire qui lui sembla étrangement familier, sans qu’il parvienne à en retrouver l’origine.</p><p>« Nous sommes trempés tous les deux. Rentrons, voulez-vous ? »</p><p>« Oui, rentrons. »</p><p>Rutgard s’accrocha plus fermement à la manche de William. Sous le masque, il esquissa un sourire tordu. L’étrange sensation, la gêne, s’étaient volatilisées, et, poussé par le courant, il laissa la famille Taylor l’embarquer, au point d’en avoir honte.</p><p>(Je vois. C’est utile.)</p><p>William avait pris goût à ce masque, et à la fille nommée Rutgard.</p><p>(Reste à voir comment m’en servir.)</p><p>Le masque dissimulait l’expression sordide qui flottait sur le visage de William. S’il surveillait aussi ses lèvres, personne ne remarquerait rien. William avait désormais deux armes : le masque, et Rutgard. Il n’avait aucune intention de leur faire confiance, mais il reconnaissait leur valeur.</p><p>○</p><p>La famille accueillit chaleureusement les deux noyés à leur retour chez les Taylor. On essuya leurs corps avec des draps doux, on les réchauffa devant un grand feu. On leur servit un bol de ragoût brûlant. Puis ils se séparèrent.</p><p>L’une partit dans sa chambre, pour coudre les robes de ses amies.</p><p>L’autre regagna sa chambre louée.</p><p>« Bonsoir, William. Puis-je vous parler un instant ? »</p><p>« Oui, bien sûr. »</p><p>Dans la chambre que William occupait, derrière la porte, se tenait Laurent von Taylor. Il ne chercha pas à entrer.</p><p>« Merci d’avoir aidé Rutgard aujourd’hui. Je vous en suis reconnaissant. »</p><p>« Ce n’est que normal, vu tout ce que je dois à votre maison. »</p><p>« Ahaha, en effet. »</p><p>« Oui. »</p><p>Un silence tomba entre eux. Dans ce genre de situation, il ne fallait pas prendre la parole. Le silence ne coûte rien, et le “plus faible” a intérêt à s’y tenir.</p><p>« Rutgard est une fille avisée. C’est pour cela qu’elle peut être utile à un homme. »</p><p>L’atmosphère de Laurent changea brusquement.</p><p>« Ce qu’elle a dit, je peux à peu près le deviner, et je n’ai aucune intention de nier. Vous utilisez la famille Taylor. La famille Taylor vous utilise. Une situation claire, gagnant-gagnant. Une lune de miel efficace. Je vous laisserai en place tant que ça durera. C’est un marché. Tant que vous ne brisez pas cet équilibre, j’attends beaucoup de vous. J’espère que vous tiendrez vos promesses. »</p><p>Le Laurent doux et affable, une fois le vernis ôté, n’avait rien de rassurant. Puisqu’il savait, plus besoin de masquer. Mis à nu, il se révélait plus grand et plus difforme que William ne l’avait imaginé.</p><p>« Je m’en souviendrai. »</p><p>William n’avait d’autre choix que de répondre ainsi. À bien des égards, il ne pouvait pas gagner, pas maintenant. On ne lance pas une partie perdue d’avance. On ne perd pas si on ne joue pas.</p><p>William porta la main à son masque. À sa grande surprise, il parvint à calmer ses pulsions et à éviter un affrontement inutile. Avec un sang-froid retrouvé, il jugeait la situation objectivement. Sa froide logique, dernièrement vacillante, revenait peu à peu.</p><p>(Un jour, je gagnerai. Tant que je gagne à la fin, j’ai gagné.)</p><p>Un sourire noir se dessina sous le masque. Et sans doute Laurent, derrière la porte, arborait-il le même. Une relation où leurs intérêts s’entremêlaient.</p><p>Au final, lequel dévorerait l’autre ?</p><p>○</p><p>La première nuit avec son masque, William fit un rêve.</p><p>Un petit garçon aux cheveux noirs pleurait, recroquevillé. Autour de lui, des morts l’assaillaient de voix emplies de jalousie et tentaient de le déchirer de leurs mains. La haine gonflait, brûlait. Dans le déchaînement du mal des bourreaux, le garçon hurlait, en larmes.</p><p>Une seule morte se dressait pour le protéger.</p><p>« Ça va. Tu n’es pas en faute. Ce n’est pas ta faute. »</p><p>Une jeune femme aux paroles douces. Elle avait les mêmes cheveux que le garçon, les mêmes yeux.</p><p>« C’est vrai ? Ce n’est pas ma faute ? »</p><p>La morte sourit. Les accusations fusaient tout autour. Malgré les voix qui menaçaient d’écraser le garçon, la jeune fille aux cheveux noirs le protégeait de tout son corps.</p><p>William, masqué, observait la scène. À première vue, on aurait dit un tableau beau et plein d’affection—</p><p>« … Dégoûtant. »</p><p>Lequel de ces tableaux faudrait-il sauver, pour William Liwius et Al ? Celui où il était rejeté, ou celui où la jeune fille le protégeait ? Perte ou salut ? Haine ou amour ?</p><p>« Aucune importance ! »</p><p>William tendit la main. La jeune fille aux cheveux noirs tourna les yeux vers lui et sourit. Les morts l’aperçurent, et se ruèrent sur William comme sur un substitut du garçon.</p><p>« Hé, moi ! »</p><p>William fut englouti par la vague des morts. Juste avant que sa conscience ne se rompe, la jeune fille le serra à son tour dans ses bras. Comme elle protégeait le garçon, elle le protégeait lui, des hordes de haine, des miasmes du mal irrépressible.</p><p>« … »</p><p>La jeune fille ne dit pas un mot. Aucune parole pour rassurer le garçon. William aurait voulu l’entendre, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Il n’y eut qu’un sourire.</p><p>« Hé, toi ! »</p><p>Le monde de William se renversa.</p><p>« Ahahaha… ah… ah… »</p><p>Un cauchemar. Un rêve étrange, dont il ne savait s’il était vraiment cauchemar.</p><p>Quand William se redressa, son corps entier ruisselait de sueur, et ses yeux, dans le miroir, étaient cerclés de cernes profonds.</p><p>« Tch. »</p><p>Sa gorge émit un son rauque. Il ne comprenait ni ce qu’il venait de voir, ni ce que cela signifiait. Mais un malaise poisseux et un bonheur irrépressible s’entremêlaient en lui.</p><p>« … C’est mauvais signe. »</p><p>William tendit la main vers le masque. Hors de question de montrer ce visage-là. Impossible de jouer William Liwius dans cet état.</p><p>« … »</p><p>Il contempla le monde à travers le masque. Par ce champ de vision restreint, cette frontière mince entre l’obscurité et le cadre, sa pensée retrouva son cours normal.</p><p>« … Fuu. »</p><p>Une fois calmé, William se rappela qu’il devait remplir sa routine. Il se leva avec lourdeur.</p><p>« Tch, récemment, je déconne. »</p><p>Secouant la tête pour chasser son propre malaise, William quitta sa chambre pour son entraînement quotidien.</p><p>Il ne savait pas encore que, désormais, ce cauchemar l’accompagnerait sans fin.</p>

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Revised Title

Chapitre 12

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<h1>Chapitre 12</h1><p>William marchait seul dans Arcas, la capitale d’Arcadia. Il n’avait aucune destination précise, il errait simplement dans les rues. Un moment inhabituel, rare pour William qui détestait perdre son temps. Trop de choses à prendre en compte, et son esprit, pour l’instant, refusait de fonctionner.</p><p>(Kyle travaille à l’arène, et Favela est empêtrée dans les ennuis d’un membre de guilde.)</p><p>« On dirait que c’est rude, mais ce n’est pas quelque chose qu’on puisse t’enseigner. Soit tu y arrives, soit tu n’y arriveras jamais. On ne peut pas te porter indéfiniment. C’est une question de talent, de sens, ce genre de choses. »</p><p>« … Donc, en gros, j’ai pas de talent ? »</p><p>« Je n’ai pas dit ça. Au contraire, je pense que tu en as trop. Si tu peux le percevoir normalement, tu devrais pouvoir l’utiliser tout de suite. Reste à voir si tu peux… ou pas. »</p><p>« Je vois pas. Explique-moi pour que je comprenne. »</p><p>« Impossible. Tu ne sais pas tout de moi. L’inverse est vrai aussi. »</p><p>« … Tch. »</p><p>« Désolé. Bon, si je dois te donner un conseil… accepte-moi… non, laisse tomber. Tu es trop mauvais pour ça. »</p><p>« Je ne comprends pas ce que tu veux dire. »</p><p>William se remémora sa conversation avec Kyle l’autre jour. Le fait de n’avoir rien saisi au final lui laissait encore un bloc coincé en travers de la gorge.</p><p>« Tch, pourquoi je ne peux pas devenir fort vite fait ? »</p><p>Pour William, c’était une forme d’impasse inédite. Il y avait bien eu des fondrières, mais tant qu’il poussait sa réflexion et faisait des efforts, il parvenait à percer presque partout. S’il lui manquait le savoir, il se créait un environnement pour l’acquérir ; si son corps était trop maigre, il suffisait de manger ce qu’il fallait, de s’entraîner correctement, d’accumuler connaissances et expérience. Ça avait toujours suffi.</p><p>« Qu’est-ce que je fais maintenant ? »</p><p>Il ne pouvait pas dépendre éternellement de la famille Taylor. Même sans acheter, il pouvait envisager de louer. En tant qu’étranger, ce serait un quartier pauvre, un loyer bas, à l’avenant.</p><p>(Non, même avec de petits conflits, j’ai des missions. En ce moment je suis en pension… mais au final, ça finit par coûter cher, non ? Même une masure vraiment bon marché… dans ce cas… autant devenir esclave et y laisser sa peau…)</p><p>Même pour ce genre de choses simples, il n’arrivait pas à trancher, son esprit tournant à vide.</p><p>(Qu’est-ce que je raconte comme idioties ? Ça commence à vraiment bouillir. Si je ne refroidis pas vite, je vais finir par commettre une belle erreur.)</p><p>William se frotta la tête. Sa force, d’ordinaire, c’était de pouvoir trancher à tout moment. Cette force-là était morte à présent. Dès qu’il décidait de faire quelque chose, ses pensées revenaient à « ça ». L’écart de puissance inconcevable, et l’image répugnante de son propre neveu reflétée dans ses yeux.</p><p>(Merde, oublie ça pour l’instant ! Il y a tant de choses auxquelles penser !)</p><p>Et malgré tout, ça ne sortait pas de sa tête.</p><p>William était en plein tourment.</p><p>« Excusez-moi. Je suis désolé de vous mettre mal à l’aise avec mes produits… Si vous les voulez moins chers, dites-le franchement. »</p><p>« Non, ce n’est pas… »</p><p>« Et si ma réputation chute, comment voulez-vous que j’assume ? »</p><p>William leva les yeux. Juste devant lui, un étal de plein air spécialisé dans les tissus. Visiblement, une dispute avec un client. Naturellement, William n’avait aucune intention de se mêler de leurs affaires. Cependant—</p><p>« Que se passe-t-il ? »</p><p>William était à cran.</p><p>« Oh, cher client, il se plaint de mes produits. Il prétend que ce tissu ne vient pas de Nederlux. Un si beau tissu de soie, forcément de Nederlux, non ? N’est-ce pas, jeune homme ? »</p><p>William s’approcha du vendeur. Il jeta un rapide coup d’œil au client qui se plaignait, mais ce dernier baissa la tête, et son visage resta invisible. William ne s’y intéressait pas.</p><p>En somme, il avait juste besoin d’évacuer sa tension.</p><p>« Oh, c’est un joli tissu. Je peux le toucher un instant ? »</p><p>Le marchand hésita un instant. Ce moment suffit à William pour déterminer où était le mensonge.</p><p>« Je ne remets pas votre parole en doute. Je ne suis pas expert en tissus. Je veux juste toucher ce qui est beau et précieux. »</p><p>« Oh, bien sûr, je n’y vois aucun inconvénient. »</p><p>Le reste n’était plus qu’à écraser.</p><p>« Oh, c’est une bonne soie. Dites-moi, patron, ça… comment c’est tissé ? Non, c’est seulement pour ma culture. »</p><p>À cet instant, le teint du marchand se décomposa. Le client qui se plaignait derrière réagit aussi, sursautant.</p><p>« Ça ne vous regarde pas ! Vous n’avez rien à voir là-dedans. Allez-vous-en ! »</p><p>William sourit. À première vue, c’était le sourire d’un jeune homme poli,</p><p>« La soie de Nederlux, c’est du satin, un tissage satin. Votre tissu est aussi de la soie, mais en tissage simple. Je ne dis pas que l’un est meilleur que l’autre, ce n’est pas la question. Mais prétendre que c’est du Nederlux, c’est un mensonge. »</p><p>mais son sourire débordait d’une noirceur démoniaque.</p><p>Le visage du marchand devint livide.</p><p>« Oh, je ne connais pas la qualité de votre tissu, par contre… »</p><p>« En effet, je ne sais pas juger. Mais j’ai les connaissances. Les produits de Nederlux sont en satin, et les tissus de soie tissés en toile viennent du nord-ouest d’Alcus. Sur le marché, même pour de la soie, les prix diffèrent. Sans parler de savoir lequel est plus cher. »</p><p>Le marchand resta muet. Autour, les regards se tournèrent vers lui, hostiles. Dans ces conditions, il ne pourrait plus faire affaire ici.</p><p>« Bon, le tissage simple est solide, c’est un bon produit en soi. »</p><p>Sur ces mots, William tourna le dos à l’étal. Tandis que le marchand s’effondrait, à genoux, ce désespoir nourrissait le sombre sentiment de satisfaction qui remontait chez William.</p><p>(Oh, clair.)</p><p>Sa tête tournait déjà mieux qu’un peu plus tôt. Faire tomber les autres, les écarter et leur prendre une part de leur vie. En goûtant à la douceur de la victoire, William en fut légèrement ébranlé.</p><p>(Mais les gens du peuple qui viennent dans ce genre de rue sont rarement capables de distinguer le vrai du faux.)</p><p>Qu’il s’agisse de satin ou de tissage simple, ça restait de la soie. Dans une boutique de luxe fréquentée par des citoyens de premier rang, la nuance aurait eu de l’importance. Mais trouver ici, sur un marché à ciel ouvert pour classes seconde, troisième, voire non citoyennes, quelqu’un qui connaisse les différences de tissage, c’était inattendu.</p><p>(Et de toute façon, c’était idiot de relever ça ici. Il n’y a pas lieu de trouver des articles de luxe dans un endroit pareil.)</p><p>Même si l’on y vend des cadeaux, il n’y avait aucune raison pour qu’un étal de rue manipule des pièces aussi coûteuses. Il avait relevé le mensonge en sachant pertinemment qu’il cassait l’ambiance. Le vendeur n’avait qu’à s’en prendre à lui-même.</p><p>« … Bon, maintenant que ma tête tourne mieux, je vais aller pêcher une bonne opportunité ou deux. »</p><p>William se redressa un peu et s’efforça de purifier son humeur.</p><p>« … Hm. »</p><p>(D’abord, louer une chambre. Faire ce qui peut être fait.)</p><p>« Ah, le Loup. »</p><p>Quelqu’un tira sur la manche de William.</p><p>« Hm ? »</p><p>Son regard suivit le mouvement du tissu, puis découvrit des doigts fins et nets qui s’y accrochaient, et un bras délicat. À cet instant—</p><p>« Hein ! »</p><p>Le visage de William se figea.</p><p>« Merci pour votre aide tout à l’heure. »</p><p>Rutgard von Taylor s’exprima d’une voix douce. Fille de Laurent von Taylor, et sœur de Carl von Taylor, qui servait actuellement aux côtés de William dans l’armée.</p><p>« Non, non. Je n’ai fait que dire la vérité. Oui. »</p><p>William étira les joues dans une grimace forcée. À sa propre surprise, il n’arrivait pas à se contrôler comme avant.</p><p>(Aïe, elle a vu un mauvais côté. Attends… c’était donc elle, la cliente ? J’y suis pas allé un peu fort ?)</p><p>William regarda Rutgard sans trouver d’excuse. En la détaillant de nouveau, il resta frappé par son absence totale d’aura. Perdue dans la foule, on risquait de ne même pas remarquer cette beauté.</p><p>(Quelle est la probabilité de croiser, dans une grande ville comme Arcas, une noble que je connais, au fin fond d’une rue pareille ? Putain.)</p><p>Il eut furieusement envie de se prendre la tête entre les mains.</p><p>« Ah, j’ai entendu que vous cherchiez un logement, tout à l’heure. »</p><p>Qu’elle surgisse ainsi expliquait au moins un peu les choses.</p><p>« Oui. Je ne compte pas peser éternellement sur la famille Taylor, et maintenant que je suis payé comme soldat régulier, tout comme Carl, j’aimerais réfléchir sérieusement à un logement, dans un avenir proche. »</p><p>À mesure qu’elle écoutait, l’expression de Rutgard s’assombrit. En voyant son visage, William lâcha quelques phrases maladroites avant de s’interrompre, en vain.</p><p>« Pas un fardeau… je crois que personne ne pense ça, à la maison… peut-être. »</p><p>Cette phrase s’effaça presque dans l’air. Elle parlait si bas que lui seul put l’entendre.</p><p>« Il vaudrait mieux économiser jusqu’à avoir un peu de marge. Quand ce sera le cas, vous pourrez convertir ça en terres ou en biens solides. Inutile de vous presser pour l’instant, je pense. Oui. »</p><p>« Non, mais… »</p><p>« … »</p><p>Rutgard, silencieuse, serra sa manche. William ne comprenait absolument pas ce qui la poussait à agir ainsi, ni le sens de ce geste.</p><p>« Soit dit en passant, Lady Rutgard, que faites-vous ici ? »</p><p>Pour sortir de cette situation mystérieuse, William lança un sujet sans relief. Rutgard releva doucement le visage.</p><p>« … Je fais des achats. Notre maison est liée à des entreprises de confection, alors je sais un peu coudre et dessiner des modèles, et une amie m’a demandé de coordonner sa tenue pour une fête. Donc je suis venue acheter des tissus. Enfin, je n’ai encore rien acheté. »</p><p>À l’entendre parler, Rutgard semblait prête à fabriquer des vêtements depuis zéro. Regarder des habits n’était pas la même chose que les faire. Sans doute son amie avait-elle demandé le premier, mais Rutgard avait compris le second, et s’était retrouvée seule, noble demoiselle, à faire ses courses dans un tel endroit.</p><p>(Quelle inconscience.)</p><p>William eut envie de se tenir la tête. Cette demoiselle Taylor flottait dans une dimension différente de la noblesse qu’il connaissait. Dans ce tableau, William était le maillon le plus faible : incapable de la prévoir ni de la calculer.</p><p>(Et elle ne lâche toujours pas ma manche. Pourquoi ?)</p><p>Si ça continuait, la journée passerait ainsi. Il lui fallait trouver un moyen de faire lâcher ces doigts, de faire bouger Rutgard. La réponse qu’il trouva fut :</p><p>« Pour vos achats… je vous accompagne, si je ne vous gêne pas ? »</p><p>Un compromis. Pour l’instant, mettre le reste de côté et se joindre à ses affaires. Il y verrait peut-être une occasion de se dégager. William calcula ainsi et céda.</p><p>« Vous ne me gênez pas, au contraire, je vous suis très reconnaissante. »</p><p>Rutgard sourit doucement. Ses doigts n’en serraient pas moins sa manche avec la même constance.</p><p>« Allons-y alors. Au fait… ce n’est pas difficile de marcher comme ça ? »</p><p>Il tentait de lui faire lâcher prise, mais—</p><p>« Vraiment ? »</p><p>—elle ne sembla rien comprendre.</p><p>Leurs achats étranges commencèrent ainsi : un jeune homme en tête, une jeune fille accrochée à sa manche.</p><p>○</p><p>Les emplettes furent nombreuses. Rutgard, décidée à tout faire elle-même sauf le travail du métal, acheta seule une grande variété de tissus, ainsi que des pierres et accessoires pour les fils et les ornements de cheveux. Quand les paquets devinrent trop volumineux pour une noble demoiselle, William renonça à fuir et se concentra sur sa tâche de porteur.</p><p>« C’est énorme. Vous allez aussi à cette fête, Lady Rutgard ? »</p><p>William portait une énorme brassée de paquets tout seul. Rutgard avait proposé plusieurs fois d’en prendre une partie, mais ils en étaient restés là. Question de fierté masculine et de corps endurant.</p><p>« Non, j’ai reçu une invitation, mais j’ai refusé. Je ne suis pas à l’aise quand je dois me montrer en public… même si je suppose qu’il faudrait que je m’y habitue un jour. »</p><p>Dans ce cas, la quantité achetée devenait étrange. Voyant le doute de William, Rutgard précisa :</p><p>« Je compte faire plusieurs robes, pas une seule, et les laisser choisir. »</p><p>Entendant ça, William ne put que lui adresser un sourire un peu tendu. Il ignorait à quel point ses amies comptaient pour elle, mais c’était excessif. Si elle faisait tout cela gratuitement, c’était de la pure folie.</p><p>« Oh, puis-je regarder là-bas ? »</p><p>La direction où Rutgard l’entraîna était un étal de masques.</p><p>(Glauque. C’est donc un bal masqué.)</p><p>Une multitude de masques étaient suspendus. Des gouffres vides s’ouvraient au niveau des yeux et de la bouche. Pour William, les masques étaient quelque chose de lointain ; il n’en avait jamais porté.</p><p>« Les masques peuvent être en bois sculpté, en céramique, en métal. C’est difficile de tout faire soi-même à partir de rien, alors je préfère acheter une base et la retravailler. »</p><p>À en juger par son discours, William se dit que Rutgard, d’ordinaire si silencieuse, devenait étonnamment loquace dès qu’il s’agissait d’habillement. De toute évidence, elle aimait vraiment ça.</p><p>« Un masque, hein. »</p><p>Tandis que Rutgard examinait les masques avec sérieux, William, les mains libres, les détaillait à son tour. Comme elle l’avait dit, il y en avait en bois, en céramique, en métal, etc. Tous, d’une façon ou d’une autre, avaient quelque chose d’inquiétant.</p><p>(C’est fait pour dissimuler ses traits. On ne lit plus l’expression, on évite de déplaire. Pratique, en un sens.)</p><p>Mais porter un masque, c’était aussi avouer qu’on cachait quelque chose.</p><p>(Je n’en ai pas besoin. Inutile de me donner une raison de paraître suspect.)</p><p>Convaincu, William détourna le regard des masques.</p><p>Le ciel s’assombrit. L’air vibrait d’une pluie imminente. Sur ces rues sans toit, la fin du jour sembla plus précoce.</p><p>Une goutte vint frapper la joue de William. La pluie arrivait.</p><p>« Le masque sert à se cacher, mais aussi à regarder en soi. »</p><p>William tourna la tête vers Rutgard, qui venait de parler. De profil, son expression lui échappait.</p><p>« Le masque, c’est une mince feuille. Une peau fine, une frontière. Mais grâce à lui, on peut se voir de l’extérieur, adopter un regard tiers. Je pense qu’un masque existe pour nous faire prendre conscience de notre propre existence. »</p><p>Dans l’esprit de William surgirent la fuite lâche, la jalousie visqueuse, les papillons attirés par la lumière.</p><p>La pluie s’intensifia.</p><p>« Je ne me comprends pas. Vous non plus, j’en suis sûre. Si ça peut servir de petite aide à ce genre de confusion… »</p><p>Rutgard se retourna. Un sourire éclatant, comme caché jusqu’ici. William sentit sa gorge se serrer. Il n’aurait jamais cru voir un tel sourire sur son visage.</p><p>« Tenez. Ça vous ira bien, je pense. »</p><p>Ce qu’elle lui tendit, c’était un masque blanc. Un masque couvrant les yeux, d’une forme singulière. À première vue, il rappelait un heaume de chevalier, mais sa blancheur spectrale et sa silhouette évoquaient un crâne. Des lignes rouges, tracées comme un motif, rappelaient les flammes du champ de bataille et la chair solitaire.</p><p>« Pour moi ? »</p><p>« Oui, pour vous. Merci pour la journée. »</p><p>Pour le commun, ce masque évoquerait un chevalier : l’alliance de la force et de la beauté en faisait un choix naturel.</p><p>Pour William, l’impression était tout autre : roi des morts, maître des esprits, miroir du « moi ». Une jalousie trouble monta en lui. Avait-il vraiment le droit de posséder une chose pareille ?</p><p>La pluie redoubla. La plupart des étals se repliaient en hâte, et la boutique de masques devant eux avait déjà disparu. Il ne restait plus que deux silhouettes trempées sous l’averse.</p><p>Sans même s’en rendre compte, William avait passé le masque. Le rubis caché sous ses vêtements se balançait contre sa poitrine. Deux objets hideux aux yeux de Rutgard. Deux objets qui collaient parfaitement à l’homme nommé William, au dehors comme au dedans—</p><p>Une froide lucidité revint. Coupé du monde extérieur, il se percevait plus clairement, plus objectivement. Il sentait le froid de la pluie avec une netteté accrue. Sa peau ressentait les gouttes, son nez l’odeur, ses oreilles le bruit de l’eau frappant le sol, sa langue le goût qui s’en dégageait—</p><p>Face à lui, une jeune fille aux yeux mouillés par la pluie.</p><p>« Méfiez-vous de mon père. »</p><p>Rutgard s’adressa au William masqué.</p><p>« Mon père est du genre à tout faire pour la maison. La famille Taylor a bâti sa position grâce aux marchandises. Il y a foule de barons sans héritiers, hommes ou femmes. Mon père, Laurent von Taylor, n’est pas rassasié. Quel que soit l’argent qu’il amasse, au bout du compte, c’est un homme, et il désire autre chose. Il m’a dit qu’il nous fallait… autre chose, pour continuer. »</p><p>L’image que William avait de Rutgard avait changé du tout au tout. Ce n’était plus la figure floue, silencieuse, inadaptée, incapable de lire l’atmosphère. Tout cela s’était effondré.</p><p>« Pour mon père, les gens se divisent en utiles et inutiles. Mon frère Einhart, mon frère Carl et moi étions du côté inutile. Il nous chérissait en façade, mais ne plaçait aucun espoir en Einhart. Celui-ci l’a compris et a voulu devenir érudit. Père a accepté avec joie… parce qu’il avait déjà jugé qu’il ne servirait à rien ailleurs. Je pense que mon frère est mort trop tôt. Quant à moi, comme demoiselle noble, je manque de “fleurs”, il est impossible de me marier dans une grande maison. »</p><p>Le contenu était sinistre, mais le visage de Rutgard n’avait rien de sombre. Au contraire, on aurait cru y voir poindre une forme de joie.</p><p>« Mais depuis qu’il vous connaît, mon père a changé l’étiquette collée à mon frère. S’il peut obtenir des mérites militaires grâce à vous, William, il pourra hausser le rang de la maison Taylor. Parce qu’il fonde des attentes sur vous, il se montre prudent. Il vous considère comme quelqu’un d’utile. Alors soyez sur vos gardes. Une fois son jugement arrêté à votre sujet, il agira en conséquence. Après ça, mon père décidera quoi faire de vous. »</p><p>Les paroles de Rutgard se firent un peu confuses sur la fin, mais le sens restait clair. Il n’y a qu’un nombre limité de sièges en haut. Pour que les Taylor montent, ils doivent en prendre un. Et évincer ceux qui veulent s’y asseoir. Difficile d’imaginer qu’une fois William installé, la maison Taylor le laisserait tranquille.</p><p>« Je me le graverai dans le foie. »</p><p>William ignorait pourquoi elle lui confiait cela. C’était peut-être, en soi, une manœuvre de Laurent. Malgré tout, il devait le garder en tête. Laurent von Taylor était plus dangereux qu’il ne l’avait supposé.</p><p>« Et pourquoi me donner ce masque, maintenant ? »</p><p>À sa question, Rutgard répondit avec le sourire frais d’une jeune fille ordinaire :</p><p>« Pour vous remercier de votre aide. »</p><p>Un sourire qui lui sembla étrangement familier, sans qu’il parvienne à en retrouver l’origine.</p><p>« Nous sommes trempés tous les deux. Rentrons, voulez-vous ? »</p><p>« Oui, rentrons. »</p><p>Rutgard s’accrocha plus fermement à la manche de William. Sous le masque, il esquissa un sourire tordu. L’étrange sensation, la gêne, s’étaient volatilisées et, emporté par le courant, il laissa la famille Taylor l’embarquer, au point d’en avoir honte.</p><p>(Je vois. C’est utile.)</p><p>William avait pris goût à ce masque, et à la fille nommée Rutgard.</p><p>(Reste à voir comment m’en servir.)</p><p>Le masque dissimulait l’expression sordide qui flottait sur le visage de William. S’il surveillait aussi ses lèvres, personne ne remarquerait rien. William avait désormais deux armes : le masque, et Rutgard. Il n’avait aucune intention de leur faire confiance, mais il reconnaissait leur valeur.</p><p>○</p><p>La famille accueillit chaleureusement les deux noyés à leur retour chez les Taylor. On essuya leurs corps avec des draps doux, on les réchauffa devant un grand feu. On leur servit un bol de ragoût brûlant. Puis ils se séparèrent.</p><p>L’une partit dans sa chambre, pour coudre les robes de ses amies.</p><p>L’autre regagna sa chambre louée.</p><p>« Bonsoir, William. Puis-je vous parler un instant ? »</p><p>« Oui, bien sûr. »</p><p>Derrière la porte de la chambre qu’occupait William se tenait Laurent von Taylor. Il ne chercha pas à entrer.</p><p>« Merci d’avoir aidé Rutgard aujourd’hui. Je vous en suis reconnaissant. »</p><p>« Ce n’est que normal, vu tout ce que je dois à votre maison. »</p><p>« Ahaha, en effet. »</p><p>« Oui. »</p><p>Un silence tomba entre eux. Dans ce genre de situation, il ne fallait pas prendre la parole. Le silence ne coûte rien, et le “plus faible” a intérêt à s’y tenir.</p><p>« Rutgard est une fille avisée. C’est pour cela qu’elle peut être utile à un homme. »</p><p>L’atmosphère de Laurent changea brusquement.</p><p>« Ce qu’elle a dit, je peux à peu près le deviner, et je n’ai aucune intention de le nier. Vous utilisez la famille Taylor. La famille Taylor vous utilise. Une situation claire, gagnant-gagnant. Une lune de miel efficace. Je vous laisserai en place tant que ça durera. C’est un marché. Tant que vous ne brisez pas cet équilibre, j’attends beaucoup de vous. J’espère que vous serez à la hauteur. »</p><p>Le Laurent doux et affable, une fois le vernis ôté, n’avait rien de rassurant. Puisqu’il savait, plus besoin de masquer. Mis à nu, il se révélait plus grand et plus difforme que William ne l’avait imaginé.</p><p>« Je m’en souviendrai. »</p><p>William n’avait d’autre choix que de répondre ainsi. À bien des égards, il ne pouvait pas gagner, pas maintenant. On ne lance pas une partie perdue d’avance. On ne perd pas si on ne joue pas.</p><p>William porta la main à son masque. À sa grande surprise, il parvint à calmer ses pulsions et à éviter un affrontement inutile. Avec un sang-froid retrouvé, il jugeait la situation objectivement. Sa froide logique, dernièrement vacillante, revenait peu à peu.</p><p>(Un jour, je gagnerai. Tant que je gagne à la fin, j’ai gagné.)</p><p>Un sourire noir se dessina sous le masque. Et sans doute Laurent, derrière la porte, arborait-il le même. Une relation où leurs intérêts s’entremêlaient.</p><p>Au final, lequel dévorerait l’autre ?</p><p>○</p><p>La première nuit avec son masque, William fit un rêve.</p><p>Un petit garçon aux cheveux noirs pleurait, recroquevillé. Autour de lui, des morts lui lançaient des voix emplies de jalousie et tentaient de le déchirer de leurs mains. La haine gonflait, brûlait. Dans le déchaînement du mal des bourreaux, le garçon hurlait, en larmes.</p><p>Une seule morte se dressait pour le protéger.</p><p>« Ça va. Tu n’es pas en faute. Ce n’est pas ta faute. »</p><p>Une jeune femme aux paroles douces. Elle avait les mêmes cheveux que le garçon, les mêmes yeux.</p><p>« C’est vrai ? Ce n’est pas ma faute ? »</p><p>La morte sourit. Les accusations fusaient tout autour. Malgré ces voix prêtes à l’écraser, la jeune fille aux cheveux noirs protégeait le garçon de tout son corps.</p><p>William, masqué, observait la scène. À première vue, on aurait dit un tableau beau et plein d’affection—</p><p>« … Dégueulasse. »</p><p>Lequel de ces tableaux faudrait-il sauver, pour William Liwius et pour Al ? Celui où il est rejeté, ou celui où la jeune fille le protège ? Perte ou salut ? Haine ou amour ?</p><p>« Aucune importance ! »</p><p>William tendit la main. La jeune fille aux cheveux noirs tourna les yeux vers lui et sourit. Les morts l’aperçurent, et se ruèrent sur William comme sur un substitut du garçon.</p><p>« Hé, moi ! »</p><p>William fut englouti par la vague des morts. Juste avant que sa conscience ne se rompe, la jeune fille le serra à son tour dans ses bras. Comme elle protégeait le garçon, elle le protégeait lui, des hordes de haine, des miasmes du mal irrépressible.</p><p>« … »</p><p>La jeune fille ne dit pas un mot. Aucune parole pour rassurer le garçon. William aurait voulu l’entendre, mais aucun son ne sortit de ses lèvres. Il n’y eut qu’un sourire.</p><p>« Hé, toi ! »</p><p>Le monde de William se renversa.</p><p>« Ahahaha… ah… ah… »</p><p>Un cauchemar. Un rêve étrange, dont il ne savait s’il était vraiment cauchemar.</p><p>Quand William se redressa, son corps entier ruisselait de sueur, et ses yeux, dans le miroir, étaient cerclés de cernes profonds.</p><p>« Tch. »</p><p>Sa gorge émit un son rauque. Il ne comprenait ni ce qu’il venait de voir, ni ce que cela signifiait. Mais un malaise poisseux et un bonheur irrépressible s’entremêlaient en lui.</p><p>« … C’est mauvais signe. »</p><p>William tendit la main vers le masque. Hors de question de montrer ce visage-là. Impossible de jouer William Liwius dans cet état.</p><p>« … »</p><p>Il contempla le monde à travers le masque. Par ce champ de vision restreint, cette frontière mince entre l’obscurité et le cadre, sa pensée retrouva son cours normal.</p><p>« … Fuu. »</p><p>Une fois calmé, William se rappela qu’il devait remplir sa routine. Il se leva avec lourdeur.</p><p>« Tch, ces derniers temps, je déconne. »</p><p>Secouant la tête pour chasser son propre malaise, William quitta sa chambre pour son entraînement quotidien.</p><p>Il ne savait pas encore que, désormais, ce cauchemar ne le quitterait plus.</p>

Revision Notes

Correction systématique de la grammaire, de la ponctuation et des accords (ex. concordance des temps, participes passés, pluriels). Harmonisation du registre : narration en français soutenu/neutre cohérent, dialogues gardant une oralité mesurée sans rupture de ton. Clarification de certaines phrases ambiguës en respectant le sens implicite du texte source (ex. sur la soie de Nederlux, le tissage, les quartiers pauvres, la relation d’utilisation mutuelle avec les Taylor). Allègement de formulations lourdes ou littérales pour une meilleure fluidité tout en conservant les images originales. Uniformisation des noms propres et des termes récurrents (Nederlux, Alcus, famille Taylor, Rutgard/Rutgard, etc.). Maintien strict de la structure HTML fournie, sans ajout ni suppression de balises. Conservation du contenu et du sous-texte psychologique (cynisme de William, menace de Laurent, décalage de Rutgard, symbolique du masque et du rêve) sans ajout d’éléments étrangers. Maintain a slightly closer tether to the given English wording when the brief is strict validation of this layer. Several interpretative enrichments are good literature but weaken traceability. Restore nuances where the FR compresses distinct actions: for "The rest just crush and diverge.", consider something comme: "Le reste ne fut plus qu’une affaire de les écraser et de les disperser." if you want to echo both verbs. For the aside "By the way, this guess turns out to be a big mistake later. It is a story of the beginning.", mirror its meta-foreshadowing more clairement: e.g. "Cette supposition s’avérerait plus tard une grosse erreur. Mais ce n’était que le début de l’histoire." In the mask-shop segment, "(Glauque. C’est donc un bal masqué.)" adds "bal masqué" absent in EN. Si le contexte ultérieur ne le confirme pas, rester plus neutre: "(Glauque. Peut-être pour un bal masqué.)" ou supprimer l’hypothèse. Re-examine the dream interjections to decide if you voulez coller aux sons étranges du texte source (même s’ils sont cassés) ou assumer une réécriture cohérente. Actuellement, le ton change sensiblement. Vérifier l’emploi des jurons modernes (« Putain », « Dégueulasse ») selon le ton global de la série. Ils fonctionnent pour un registre plus cru mais peuvent anachroniser ou sur-moderniser. Clarify a few ambiguous or heavy formulations for smoother LN style sans perdre le sens: par exemple, "Il se percevait plus clairement" peut devenir "Il se voyait lui-même avec une netteté nouvelle" pour garder l’idée de regard sur soi via le masque. Globalement, conserver ce niveau de français, mais, pour une validation de fidélité, marquer ou limiter les endroits où vous extrapolez au-delà de ce que le texte fournit explicitement.

Applied Recommendations
Improvement

Améliorer la fluidité générale du français.

Improvement

Corriger les erreurs grammaticales et de ponctuation.

Improvement

Assurer la cohérence stylistique et terminologique sur tout le chapitre.

Improvement

Préserver le sens, le ton et les sous-textes de l’original sans traduction hors du français.

Improvement

Conserver intégralement les balises et la structure HTML existantes.

Revision Details
Revision Date:
Nov 13, 2025 9:07 AM
Processing Time:
N/A
Character Count:
24,289 chars
Reading Time:
~23 min