Chapter 2 - Revision v1
Tower Of Karma
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3,176Revision Date
Nov 13, 2025Original Translation
Original Title
Chapitre 1
Original Content
<h1>Chapitre 1</h1><p>Cinq ans après ce jour-là, le royaume d’Arcadia venait de traverser un long hiver et voyait enfin arriver le printemps. Cet hiver était encore plus rigoureux que d’ordinaire, et beaucoup de gens étaient morts de froid ou en train d’agoniser ; le printemps était donc une saison attendue avec une ardeur fébrile. Mais rien ne venait bénir son arrivée.</p><p>La librairie d’importation située dans un coin de la capitale du royaume ne faisait pas exception. Certes, les livres se vendaient en hiver, mais les nouveautés entraient rarement. Sans nouveaux ouvrages, les habitués s’enthousiasmaient peu, et avec le faible taux d’alphabétisation, il était difficile de trouver de nouveaux clients.</p><p>Pour une librairie d’importation, le printemps est une saison heureuse.</p><p>« Hé, va me chercher ça sur l’étagère treize. Ah, j’ai oublié le titre, l’Anatomie d’Ana, là. »</p><p>Un employé de la librairie interpelle depuis l’arrière-boutique à propos de la commande d’un client.</p><p>« La Création du corps humain, auteur Damwall. C’est un original ou une traduction ? »</p><p>« Ça, eh bien, je n’ai pas encore la version traduite, non ? J’ai l’impression que c’était une nouveauté. »</p><p>« Oh, je l’ai traduite récemment. »</p><p>Le libraire sursaute, pris de court. Les clients à portée de voix tournent également les yeux vers eux.</p><p>Un livre traduit est un ouvrage venu d’un autre pays dans une langue étrangère, converti dans la langue de ce royaume. Il est impossible d’en produire sans maîtriser au moins deux langues, et le choix des mots en fait un travail particulièrement ardu. Celui-ci venait d’être terminé quelques jours plus tôt seulement.</p><p>« Dans ce cas, je prendrai la version traduite. »</p><p>« Bien sûr. Une traduction, donc. »</p><p>« Très bien, attendez un instant. »</p><p>Le libraire et ses habitués bavardent avec animation tandis que l’aide s’enfonce entre les rayonnages. C’est aussi là un aspect important du métier : l’entretien de la clientèle.</p><p>« Il est vraiment doué, ce gamin. »</p><p>« Quand il est arrivé, il ne savait ni lire ni écrire, il ne pouvait rien faire. Il s’est acharné à apprendre, il a dévoré des livres, et quand je m’en suis rendu compte, il connaissait mieux le fonds que moi. »</p><p>Le libraire sourit, comme s’il se vantait des exploits de son propre fils.</p><p>« Maintenant, il gère correctement les transactions et peut discuter normalement avec nos partenaires commerciaux étrangers. À vrai dire, il est meilleur que moi en langues étrangères. »</p><p>Face à ce patron qui veut manifestement se glorifier, les habitués ne peuvent que répondre par un sourire.</p><p>« S’il fallait lui trouver un défaut… »</p><p>Le libraire tourne la tête vers l’arrière-boutique. Des pas s’approchent, et de là surgit—</p><p>« Voici l’ouvrage que vous avez commandé. Une traduction de La Création du corps humain. J’ai essayé de rester aussi fidèle que possible au texte. Si un passage vous semble obscur, je pourrai vous l’expliquer dans la mesure du possible. »</p><p>Un jeune homme gris. Des cheveux gris en bataille qui pendent en mèches longues. Une peau pâle. Un air terne, couvert de poussière comme cendré. Une posture excessivement voûtée. Il n’est pas petit, mais d’une allure déplorable. Rien en lui n’attire la lumière, il n’a aucun éclat, une présence qui se fond dans le décor. Un jeune homme d’une fadeur extrême.</p><p>« Tu vois ? Il a beau être dans la fleur de l’âge, on dirait le printemps en pénitence. Il était joli, enfant, mais à force de se plonger dans les livres, voilà le résultat. »</p><p>Le jeune homme ne montre aucun signe de gêne, comme s’il était habitué à ces remarques acerbes sur son apparence.</p><p>« En tout cas, merci. J’attendais ce livre tout l’hiver, mais je ne comprends pas un mot de mercien. Sans copie traduite, je suis obligé de dépendre d’un traducteur. Grâce à vous, je suis sauvé. »</p><p>Sur ces mots, le client tend spontanément le double du prix indiqué.</p><p>« C’est un travail qui demande du temps. Prenez. »</p><p>« Hé, vous en êtes sûr ? »</p><p>Le jeune homme jette un regard au libraire. Celui-ci lui souffle d’accepter. Les intentions du client sont à accueillir sans détour.</p><p>« Merci beaucoup. »</p><p>Le jeune homme se voit remettre exactement la moitié de la somme. Satisfait, tenant en main le manuscrit traduit, le client quitte la boutique.</p><p>« J’ai le droit de garder ça ? »</p><p>« C’est un salaire honnête. Prends-le. »</p><p>Le jeune homme empoche l’argent seulement après avoir demandé confirmation une nouvelle fois. Et, au même moment, laisse échapper une quinte de toux.</p><p>Le libraire dévisage la silhouette du jeune homme dans la pénombre. Son teint est clairement plus mauvais qu’à l’accoutumée.</p><p>« J’ai l’impression que ta santé décline ces derniers temps. Tu peux rentrer pour aujourd’hui. »</p><p>« Désolé. Je vais faire ça. »</p><p>Le libraire commence à fermer boutique plus tôt que d’habitude, rongé par l’inquiétude devant l’état de son aide. Le jeune homme essaie de continuer à l’aider,</p><p>« Laisse, tu n’as pas besoin d’en faire plus. Occupe-toi plutôt de te remettre. Interdiction de lire ce soir. Tu rentres, tu manges, tu dors. Et demain matin tu viens tôt. D’accord ? »</p><p>« D’accord. Je vous laisse. »</p><p>Le jeune homme le remercie avec déférence, puis quitte la boutique par l’arrière.</p><p>« Pourvu que ce ne soit qu’un simple rhume… »</p><p>Le libraire regarde avec anxiété le dos courbé du jeune homme qui s’éloigne.</p><p>○</p><p>Le jeune homme ne retenait le regard de personne. C’était une existence terne, comme un papillon de nuit.</p><p>Même lorsqu’il dévia de son chemin habituel pour rentrer et prit une autre direction, personne ne le remarqua. Même les clients réguliers avaient sans doute déjà oublié ses traits.</p><p>Il s’engagea dans une ruelle où la circulation était presque nulle. Sans hésitation, il poursuivit son chemin. Même dans cette capitale, il existe des zones mortes. Des endroits où personne ne passe. Là, un étroit canal courait le long du passage.</p><p>« Déjà là ? Tu es en avance. »</p><p>« On dirait que j’ai un talent d’acteur. »</p><p>Le jeune homme passe une main dans ses cheveux. Ses yeux se chargent alors d’une étrange intensité.</p><p>« Salut, Kyle, Favela. J’ai pris des pommes en chemin. »</p><p>Il lance une pomme aux deux personnes présentes. Sa posture voûtée se redresse. Toute son aura change du tout au tout.</p><p>« Alors, Al. »</p><p>Oui, c’était Al. Le garçon à qui on avait arraché sa sœur cinq ans plus tôt, celui qui avait juré vengeance, était devenu un jeune homme. Sa voix avait mué, son visage s’était affermi, et l’atmosphère féroce d’antan s’était quelque peu estompée, mais il n’y avait aucun doute : c’était Al.</p><p>« Je me suis dit que ça pourrait servir, des pommes, pour notre espoir commun et pour la guilde des voleurs. »</p><p>Kyle et Favela aussi avaient changé en cinq ans.</p><p>Kyle avait encore grandi, une carrure impressionnante, ce qui lui avait valu d’être vendu à l’arène. Depuis, il enflammait les gradins en tant que gladiateur, jeune talent en pleine ascension.</p><p>Favela, elle, était passée de la guilde de voleurs à une guilde de voleurs de haut rang. Elle appartenait désormais à une guilde d’assassins spécialisée dans la discrétion. Elle avait gagné en maturité féminine, et en avait fait une arme. En tant que voleuse, ses compétences étaient de tout premier ordre.</p><p>« Alors, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? Monsieur est devenu tellement occupé qu’il ne montre plus sa tête. »</p><p>Al n’avait pas vu Kyle et Favela depuis longtemps. Leur dernière rencontre remontait à six mois, et déjà auparavant, leurs entrevues étaient rares.</p><p>« J’y peux rien. J’ai travaillé comme un damné. À étudier, aussi. »</p><p>Kyle et Favela étaient très pris, mais Al l’était plus encore. Il passait ses rares temps de repos à lire, accumuler des connaissances, et forgeait son corps pour ne pas se ramollir. Parfois, lorsqu’il voyait Kyle, il lui demandait de reproduire les techniques apprises à l’arène pour gagner en expérience réelle.</p><p>« Mais maintenant, l’apprentissage touche à sa fin. »</p><p>Tout cela pour ce jour—</p><p>« J’ai développé mon corps. Je me suis un peu amaigri ces derniers temps pour le rôle, mais si je me repose un peu, je retrouverai vite ma forme. »</p><p>Al s’allongea sur le sol. Depuis cinq ans, il n’avait fait qu’une chose : accumuler de la force. Pour lui, l’hiver de ce jour-là n’avait jamais cessé. Mais aujourd’hui, il touchait à sa fin. Son printemps à lui allait commencer.</p><p>« Bon, je vois bien que tu as un plan, mais qu’est-ce qu’on fait concrètement ? »</p><p>Kyle interrogea Al. Il avait compris qu’il préparait quelque chose. Tous trois savaient que ces cinq années n’étaient qu’en vue de ce moment. Mais jamais encore Al ne leur avait expliqué en détail comment il comptait agir.</p><p>« Simple. D’abord, on me fait mourir. »</p><p>« Hein ?! »</p><p>Al lâcha ces mots sans la moindre hésitation. Kyle et Favela en restèrent bouche bée.</p><p>« À la base, dans ce pays, un esclave ne peut pas gravir l’échelle sociale en une seule génération. Même lorsqu’un esclave est affranchi, il n’est qu’un “esclave libéré”, pas un citoyen. Et lors des guerres, là où le peuple a la meilleure chance de se distinguer, on ne lui permet même pas de participer, de bénéficier de ce “bonus”. »</p><p>Les esclaves libérés disposent de droits proches de ceux des citoyens, mais ne sortent pas du cadre juridique des esclaves. La génération suivante, leurs enfants, peut alors obtenir le statut de roturier. Mais eux-mêmes restent marqués à vie par l’étiquette d’esclave.</p><p>« C’est inacceptable. Il faut le démontrer. Sinon, ça ne sert à rien. Pas vrai, mon cher Kyle ? »</p><p>Al laisse filtrer une colère glacée. Face à ce ton, Kyle affiche un air partagé.</p><p>« Quoi qu’on fasse, un esclave libéré ne pourra jamais dépasser un citoyen. Les fonctions publiques sont accaparées par les nobles, et de base, on n’a pas accès à la politique. Il ne reste que la guerre pour accomplir des exploits exceptionnels. »</p><p>Du coup, ceux qui sont nés esclaves tournent en rond. Ils ne peuvent jamais remonter jusqu’en haut.</p><p>« Donc je dois mourir. Tuer Al, l’esclave libéré. Faire disparaître cette marque collée à ma peau. »</p><p>Ils comprennent où il veut en venir. Un esclave ne peut pas s’élever. Même un gladiateur au sommet ne participe pas à la guerre. Il n’obtient aucune reconnaissance officielle. Mais décider de se “tuer”, c’est radical.</p><p>« Dès demain, Kyle, tu iras à la librairie. Tu diras que je suis très malade et que j’ai besoin d’un congé. Tu les remercieras pour tout. Qu’ils prennent soin d’eux. »</p><p>Al se tourna vers le canal, après avoir confié la tâche à Kyle. Il y puisa de l’eau dans ses mains et se lava le visage. Le teint maladif s’effaça, le regard terne disparut, laissant apparaître une peau saine de jeune homme.</p><p>« Et toi, Favela, merci pour le maquillage. C’était efficace. Les femmes utilisent vraiment ça tous les jours ? C’est un bel outil d’escroc… enfin, les femmes restent des femmes. »</p><p>« Tu exagères. »</p><p>« Oh, ne t’en fais pas, ça me va très bien. »</p><p>Quand Al releva la tête, il semblait transformé en beau jeune homme plein de santé. Non, sans maquillage, il en devenait presque troublant. Depuis trois ans, il n’avait pas manqué une seule journée de ce rituel. Et, au-delà du maquillage—l’aura elle-même changeait, comme s’il devenait une autre personne.</p><p>« Il ne restera plus qu’à couper et laver ces cheveux. »</p><p>Ses cheveux gris. À l’origine d’un blanc cendré, ils paraissaient sales et ternes. Une fois lavés, ils révéleraient une couleur proche de la craie. Cela aussi faisait partie du déguisement. Ces détails méthodiques formaient la base de la mort de “l’esclave libéré Al”.</p><p>« Bon. Kyle, je compte sur toi. Tâche d’avoir l’air sincèrement peiné. »</p><p>Al essuya son visage humide avec sa manche.</p><p>« Et pour toi, Favela, j’ai encore deux-trois requêtes. Passe chez moi tout à l’heure. »</p><p>« D’accord. »</p><p>« Qu’est-ce que tu vas lui demander ? »</p><p>« Des petites choses. »</p><p>Kyle lui lança un regard suspicieux, mais Al éluda. Il ne lui laissa pas l’occasion d’insister.</p><p>« Dans quelques jours, retrouvons-nous ici. Je vous expliquerai la suite. »</p><p>Sur ces mots, les trois se séparèrent.</p><p>○</p><p>« Voilà. J’ai mon idée. De toute façon, je n’ai plus de carte d’identité. »</p><p>« Mais qui va briser sa carte d’identité ! Si c’est juste pour sortir de ce trou, il existe bien un moyen de monter en restant esclave ! Et toi, tu pourrais continuer à être payé cher comme traducteur ! »</p><p>« Hah. Les traducteurs, ce sont juste des pions de riches négociants et de nobles. Ce sont eux que je veux réduire à l’état de pions. »</p><p>« Mais sans carte d’identité ?! »</p><p>La dispute entre Al et Kyle jeta des étincelles. Favela adopta une attitude de retrait, comme si tout cela ne la concernait pas.</p><p>« Je te l’ai déjà dit, en tant qu’esclave, c’est impossible. »</p><p>« Mais quelqu’un sans carte, c’est pire qu’un esclave. Même ici, on ne le reconnaît pas comme humain. »</p><p>« Et les esclaves, c’est des humains, peut-être ? »</p><p>Le regard d’Al se planta dans celui de Kyle, presque meurtrier.</p><p>Face au rictus crispé de Kyle, Al se calma un peu.</p><p>« Bref. En tant qu’esclave, c’est verrouillé. C’était déjà joué d’avance. Depuis ma naissance, j’étais voué à perdre. Esclave un jour, esclave toujours. »</p><p>Al, dont Favela venait de couper les cheveux, n’avait déjà plus rien à voir avec le jeune homme gris. Non, il avait retrouvé son apparence d’origine.</p><p>« Si c’est impossible dans ce pays, qu’est-ce que tu comptes faire ? »</p><p>« … ! Tu veux quitter le pays ? »</p><p>Enfin, Kyle comprit. Ici, un esclave ne peut pas s’élever. Mais ailleurs, sous d’autres lois, tout devient possible.</p><p>« À moitié juste. Oui, je vais partir. »</p><p>Mais là surgissait un problème. Comme pour les marchandises, la sortie clandestine de personnes sans carte d’identité était strictement interdite. En théorie, l’existence même d’un individu sans carte était refusée par ce royaume.</p><p>Pour Al, qui venait de briser la sienne, quitter le pays relevait déjà du défi.</p><p>« Réfléchis, Kyle. Comment t’es arrivé ici, toi ? Et les parents de Favela, ils venaient d’où ? »</p><p>Kyle se gratta la tête. « Je vois… » Favela n’avait pas de carte. Ses parents avaient été introduits clandestinement dans le royaume. En sens inverse…</p><p>« On peut sortir, mais la route est infernale. »</p><p>Ils déployèrent la carte de la ville basse qu’avait préparée Favela. C’était le plan des canaux d’évacuation situés sous la capitale. Kyle la parcourut du regard et poussa un profond soupir.</p><p>« Al, c’est pas possible. Les égouts du bas ne sont que fange et immondices. Traverser tout ça pour sortir du pays, c’est de la folie. »</p><p>Al répondit avec un sourire.</p><p>« Tu te trompes, Kyle. Peu importe à quel point c’est infect, douloureux, tant que ce n’est pas matériellement impossible, c’est jouable. C’est quoi, des déjections ? On en crèvera pas. Si c’est le prix à payer pour m’élever, je le paierai. »</p><p>Al s’y préparait depuis longtemps. Il ramperait par n’importe quel moyen. Aucun dégoût ne le détournerait.</p><p>« Les égouts ne sont pas le problème. Le plus grave, ce sont les coupures. La moindre blessure et tu finis pourri vivant. »</p><p>Une mer de fange pleine d’infections. Il envisageait de la traverser. La moindre écorchure pouvait entraîner une infection mortelle, le tétanos ou pire.</p><p>« D’accord, mais une fois dehors ? Si tu te fais un nom dans un autre pays… »</p><p>« Tu oublies l’essentiel, Kyle. Je veux m’élever ici. Des preuves obtenues ailleurs n’ont aucune valeur. Je quitte ce pays uniquement pour pouvoir mieux y revenir. C’est temporaire. »</p><p>Kyle resta bouche bée. Favela non plus ne saisissait pas. Al les regarda et se fendit d’un sourire. Il étendit les bras, comme pour embrasser l’horizon.</p><p>« Attendez. Je ne prie pas pour un miracle. C’est moi qui vais le forcer. »</p><p>De là où ils étaient, Kyle et Favela ne pouvaient voir son expression.</p><p>« Le jour où je remettrai les pieds dans ce royaume, ce sera la naissance d’un nouveau “moi” ! »</p><p>Cinq ans plus tôt, l’instant décisif avait sonné. Le démon de la vengeance se mettait enfin en mouvement.</p><p>« Au fait, Favela. Tu as remis la lettre ? »</p><p>Al tapa dans ses mains, comme s’il venait d’y penser, et se tourna vers elle.</p><p>« Oui. Mais pourquoi là-bas ? »</p><p>Kyle sursauta. Il ignorait certains détails concernant Favela. S’il les avait connus, il aurait peut-être réagi autrement.</p><p>« Pour mourir, il faut disparaître. Des registres. Des mémoires. »</p><p>Al esquissa un sourire tranquille.</p><p>« Alors, il n’y a pas le choix. »</p><p>La véritable portée de ce sourire, Kyle ne la comprendrait qu’une fois tout terminé. Il n’aurait pas le temps de l’arrêter. Al suivrait sa route.</p><p>La nuit où Al s’enfonça dans les égouts pour quitter le pays, au même moment, une librairie d’importation de la capitale fut réduite en cendres. C’était une boutique appréciée, chérie par les intellectuels de la ville. Sa fin fut avalée par les flammes. Le parchemin sec brûla. Les livres se consumèrent avec aisance.</p><p>Les malheurs se cumulèrent. On parla d’un incendie accidentel provoqué par le libraire. Le libraire, sa femme et leurs trois « aides » périrent dans les flammes. L’affaire fut classée ainsi. Et beaucoup oublièrent l’existence même de cette librairie ; le souvenir s’effaça.</p><p>L’existence de ces trois personnes fut rayée de ce pays. Des mémoires, des registres.</p><p>La vérité, elle, resta tapie dans l’ombre.</p>
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Chapitre 1
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<h1>Chapitre 1</h1><p>Cinq ans après ce jour-là, le royaume d’Arcadia venait de traverser un long hiver et voyait enfin arriver le printemps. Cet hiver avait été plus rigoureux que d’ordinaire, et beaucoup de gens étaient morts de froid ou agonisaient encore ; le printemps était donc attendu avec une ardeur fébrile. Mais rien ne venait bénir son arrivée.</p><p>La librairie d’importation située dans un coin de la capitale du royaume ne faisait pas exception. Certes, les livres se vendaient en hiver, mais les nouveautés entraient rarement. Sans nouveaux ouvrages, l’enthousiasme des habitués retombait, et avec le faible taux d’alphabétisation, il était difficile de trouver de nouveaux clients.</p><p>Pour une librairie d’importation, le printemps est une saison bénie.</p><p>« Hé, va me chercher ça sur l’étagère treize. Ah, j’ai oublié le titre… L’Anatomie d’Ana, là. »</p><p>Un employé de la librairie lance ces mots depuis l’arrière-boutique en réponse à la commande d’un client.</p><p>« La Création du corps humain, auteur Damwall. C’est un original ou une traduction ? »</p><p>« Ça… eh bien, on n’a pas encore la version traduite, non ? J’ai l’impression que c’était une nouveauté. »</p><p>« Oh, je l’ai traduite récemment. »</p><p>Le libraire sursaute, pris de court. Les clients à portée de voix tournent également les yeux vers eux.</p><p>Un livre traduit est un ouvrage venu d’un autre pays dans une langue étrangère, rendu dans la langue de ce royaume. Impossible d’en produire sans maîtriser au moins deux langues, et le choix des mots en fait un travail particulièrement ardu. Cette traduction venait d’être achevée quelques jours plus tôt seulement.</p><p>« Dans ce cas, je prendrai la version traduite. »</p><p>« Bien sûr. Une traduction, donc. »</p><p>« Très bien, attendez un instant. »</p><p>Le libraire et ses habitués échangent à voix vive tandis que l’aide disparaît entre les rayonnages. L’entretien de ce genre de discussions fait aussi partie des aspects importants du métier.</p><p>« Il est vraiment doué, ce gamin. »</p><p>« Quand il est arrivé, il ne savait ni lire ni écrire, il ne pouvait rien faire. Il s’est acharné à apprendre, il a dévoré des livres, et quand je m’en suis rendu compte, il connaissait mieux le fonds que moi. »</p><p>Le libraire sourit, comme s’il se vantait des exploits de son propre fils.</p><p>« Maintenant, il gère correctement les transactions et peut discuter normalement avec nos partenaires commerciaux étrangers. À vrai dire, il est meilleur que moi en langues. »</p><p>Face à ce patron qui veut manifestement se glorifier, les habitués ne peuvent que répondre par un sourire.</p><p>« S’il fallait lui trouver un défaut… »</p><p>Le libraire tourne la tête vers l’arrière-boutique. Des pas s’approchent, et de là surgit —</p><p>« Voici l’ouvrage que vous avez commandé. La traduction de La Création du corps humain. J’ai essayé de rester aussi fidèle que possible au texte. Si un passage vous semble obscur, je pourrai vous l’expliquer dans la mesure du possible. »</p><p>Un jeune homme gris. Des cheveux gris en bataille qui tombent en mèches longues. Une peau pâle. Un air terne, comme couvert de cendres. Une posture excessivement voûtée. Il n’est pas petit, mais son allure est déplorable. Rien en lui n’attire la lumière, il n’a aucun éclat, une présence qui se fond dans le décor. Un jeune homme d’une fadeur extrême.</p><p>« Tu vois ? Il a beau être dans la fleur de l’âge, on dirait le printemps en pénitence. Il était joli enfant, mais à force de se plonger dans les livres, voilà le résultat. »</p><p>Le jeune homme ne montre aucun signe de gêne, comme s’il était habitué à ces remarques acerbes sur son apparence.</p><p>« En tout cas, merci. J’attendais ce livre tout l’hiver, mais je ne comprends pas un mot de mercien. Sans copie traduite, je suis obligé de dépendre d’un traducteur. Grâce à vous, je suis sauvé. »</p><p>Sur ces mots, le client tend spontanément le double du prix indiqué.</p><p>« C’est un travail qui demande du temps. Prenez. »</p><p>« Hé, vous en êtes sûr ? »</p><p>Le jeune homme jette un regard au libraire. Celui-ci lui souffle d’accepter. Les intentions du client sont à accueillir sans détour.</p><p>« Merci beaucoup. »</p><p>Le jeune homme reçoit exactement la moitié de la somme. Satisfait, tenant en main le manuscrit traduit, le client quitte la boutique.</p><p>« J’ai le droit de garder ça ? »</p><p>« C’est un salaire honnête. Prends-le. »</p><p>Le jeune homme empoche l’argent seulement après avoir demandé confirmation une nouvelle fois. Et, au même moment, laisse échapper une quinte de toux.</p><p>Le libraire dévisage la silhouette du jeune homme dans la pénombre. Son teint est clairement plus mauvais qu’à l’accoutumée.</p><p>« J’ai l’impression que ta santé décline ces derniers temps. Tu peux rentrer pour aujourd’hui. »</p><p>« Désolé. Je vais faire ça. »</p><p>Le libraire commence à fermer boutique plus tôt que d’habitude, rongé par l’inquiétude devant l’état de son aide. Le jeune homme essaie de continuer à l’aider,</p><p>« Laisse, tu n’as pas besoin d’en faire plus. Occupe-toi plutôt de te remettre. Interdiction de lire ce soir. Tu rentres, tu manges, tu dors. Et demain matin tu viens tôt. D’accord ? »</p><p>« D’accord. Je vous laisse. »</p><p>Le jeune homme le remercie avec déférence, puis quitte la boutique par l’arrière.</p><p>« Pourvu que ce ne soit qu’un simple rhume… »</p><p>Le libraire regarde avec anxiété le dos courbé du jeune homme qui s’éloigne.</p><p>○</p><p>Le jeune homme ne retenait le regard de personne. C’était une existence terne, comme un papillon de nuit.</p><p>Même lorsqu’il quitta son chemin habituel pour rentrer et prit une autre direction, personne ne le remarqua. Même les clients réguliers avaient sans doute déjà oublié ses traits.</p><p>Il s’engagea dans une ruelle où la circulation était presque nulle. Sans hésitation, il poursuivit son chemin. Même dans cette capitale, il existe des zones mortes. Des endroits où personne ne passe. Là, un étroit canal courait le long du passage.</p><p>« Déjà là ? Tu es en avance. »</p><p>« On dirait que j’ai un talent d’acteur. »</p><p>Le jeune homme passe une main dans ses cheveux. Ses yeux se chargent alors d’une intensité étrange.</p><p>« Salut, Kyle, Favela. J’ai pris des pommes en chemin. »</p><p>Il lance une pomme aux deux personnes présentes. Sa posture voûtée se redresse. Toute son aura change du tout au tout.</p><p>« Alors, Al. »</p><p>Oui, c’était Al. Le garçon à qui l’on avait arraché sa sœur cinq ans plus tôt, celui qui avait juré vengeance, était devenu un jeune homme. Sa voix avait mué, son visage s’était affermi, et l’atmosphère féroce d’antan s’était quelque peu estompée, mais il n’y avait aucun doute : c’était Al.</p><p>« Je me suis dit que ça pourrait servir, des pommes, pour notre espoir commun et pour la guilde des voleurs. »</p><p>Kyle et Favela aussi avaient changé en cinq ans.</p><p>Kyle avait encore grandi, avec une carrure impressionnante, ce qui lui avait valu d’être vendu à l’arène. Depuis, il enflammait les gradins en tant que gladiateur, jeune talent en pleine ascension.</p><p>Favela, elle, avait quitté la guilde de voleurs ordinaire pour intégrer une guilde de haut rang. Elle appartenait désormais à une organisation d’assassins spécialisée dans l’infiltration et la discrétion. Elle avait gagné en maturité féminine, et en avait fait une arme. En tant que voleuse, ses compétences étaient de tout premier ordre.</p><p>« Alors, qu’est-ce qu’on fait aujourd’hui ? Monsieur est devenu tellement occupé qu’il ne montre plus sa tête. »</p><p>Al n’avait pas vu Kyle et Favela depuis longtemps. Leur dernière rencontre remontait à six mois, et déjà auparavant, leurs entrevues étaient rares.</p><p>« J’y peux rien. J’ai travaillé comme un damné. À étudier aussi. »</p><p>Kyle et Favela étaient très pris, mais Al l’était plus encore. Il passait ses rares temps de repos à lire, accumuler des connaissances et forger son corps pour ne pas se ramollir. Parfois, lorsqu’il voyait Kyle, il lui demandait de reproduire les techniques apprises à l’arène pour gagner en expérience réelle.</p><p>« Mais maintenant, l’apprentissage touche à sa fin. »</p><p>Tout cela pour ce jour —</p><p>« J’ai développé mon corps. Je me suis un peu amaigri ces derniers temps pour le rôle, mais si je me repose un peu, je retrouverai vite ma forme. »</p><p>Al s’allongea sur le sol. Depuis cinq ans, il n’avait fait qu’une chose : accumuler de la force. Pour lui, l’hiver de ce jour-là n’avait jamais cessé. Mais aujourd’hui, il touchait à sa fin. Son printemps à lui allait commencer.</p><p>« Bon, je vois bien que tu as un plan, mais qu’est-ce qu’on fait concrètement ? »</p><p>Kyle interrogea Al. Il avait compris qu’il préparait quelque chose. Tous trois savaient que ces cinq années n’avaient servi qu’à ce moment. Mais jamais encore Al ne leur avait expliqué en détail comment il comptait agir.</p><p>« Simple. D’abord, on me fait mourir. »</p><p>« Hein ?! »</p><p>Al lâcha ces mots sans la moindre hésitation. Kyle et Favela en restèrent bouche bée.</p><p>« À la base, dans ce pays, un esclave ne peut pas gravir l’échelle sociale en une seule génération. Même lorsqu’un esclave est affranchi, il n’est qu’un “esclave libéré”, pas un citoyen. Et lors des guerres, là où le peuple a la meilleure chance de se distinguer, on ne lui permet même pas de participer, de profiter de ce “bonus”. »</p><p>Les esclaves libérés disposent de droits proches de ceux des citoyens, mais restent dans le cadre juridique des esclaves. La génération suivante, leurs enfants, peut alors obtenir le statut de roturier. Mais eux-mêmes restent marqués à vie par l’étiquette d’esclave.</p><p>« C’est inacceptable. Il faut le prouver. Sinon, ça ne sert à rien. Pas vrai, mon cher Kyle ? »</p><p>Al laisse filtrer une colère glacée. Face à ce ton, Kyle affiche un air partagé.</p><p>« Quoi qu’on fasse, un esclave libéré ne pourra jamais dépasser un citoyen. Les fonctions publiques sont accaparées par les nobles, et dès le départ, on n’a pas accès à la politique. Il ne reste que la guerre pour accomplir des exploits exceptionnels. »</p><p>Du coup, ceux qui sont nés esclaves tournent en rond. Ils ne peuvent jamais remonter jusqu’en haut.</p><p>« Donc je dois mourir. Tuer Al, l’esclave libéré. Faire disparaître cette marque collée à ma peau. »</p><p>Ils comprennent où il veut en venir. Un esclave ne peut pas s’élever. Même un gladiateur au sommet ne participe pas à la guerre. Il n’obtient aucune reconnaissance officielle. Mais décider de se “tuer”, c’est radical.</p><p>« Dès demain, Kyle, tu iras à la librairie. Tu diras que je suis très malade et que j’ai besoin d’un congé. Tu les remercieras pour tout. Dis-leur de prendre soin d’eux. »</p><p>Al se tourna vers le canal après avoir confié la tâche à Kyle. Il y puisa de l’eau dans ses mains et se lava le visage. Le teint maladif s’effaça, le regard terne disparut, laissant apparaître une peau saine de jeune homme.</p><p>« Et toi, Favela, merci pour le maquillage. C’était efficace. Les femmes utilisent vraiment ça tous les jours ? C’est un bel outil d’escroc… enfin, une femme reste une femme. »</p><p>« Tu exagères. »</p><p>« Oh, ne t’en fais pas, ça me va très bien. »</p><p>Quand Al releva la tête, il semblait transformé en beau jeune homme plein de santé. Non, sans maquillage, il en devenait presque troublant. Depuis trois ans, il n’avait pas manqué une seule journée de ce rituel. Et au-delà du maquillage, c’est toute son aura qui changeait, comme s’il devenait une autre personne.</p><p>« Il ne restera plus qu’à couper et laver ces cheveux. »</p><p>Ses cheveux gris. À l’origine d’un blanc cendré, ils paraissaient sales et ternes. Une fois lavés, ils révéleraient une couleur proche de la craie. Cela aussi faisait partie du déguisement. Ces détails méthodiques formaient la base de la mort de “l’esclave libéré Al”.</p><p>« Bon. Kyle, je compte sur toi. Tâche d’avoir l’air sincèrement peiné. »</p><p>Al essuya son visage humide avec sa manche.</p><p>« Et toi, Favela, j’ai encore deux-trois requêtes. Passe chez moi tout à l’heure. »</p><p>« D’accord. »</p><p>« Qu’est-ce que tu vas lui demander ? »</p><p>« Des petites choses. »</p><p>Kyle lui lança un regard suspicieux, mais Al éluda. Il ne lui laissa pas l’occasion d’insister.</p><p>« Dans quelques jours, retrouvons-nous ici. Je vous expliquerai la suite. »</p><p>Sur ces mots, les trois se séparèrent.</p><p>○</p><p>« Voilà. J’ai mon idée. De toute façon, je n’ai plus de carte d’identité. »</p><p>« Mais qui va briser sa carte d’identité ! Si c’est juste pour sortir de ce trou, il doit bien exister un moyen de monter même en restant esclave ! Et toi, tu pourrais continuer à être payé cher comme traducteur ! »</p><p>« Hah. Les traducteurs, ce sont juste des pions de riches négociants et de nobles. Ce sont eux que je veux réduire à l’état de pions. »</p><p>« Mais sans carte d’identité ?! »</p><p>La dispute entre Al et Kyle faisait jaillir des étincelles. Favela adopta une attitude de retrait, comme si tout cela ne la concernait pas.</p><p>« Je te l’ai déjà dit : en tant qu’esclave, c’est impossible. »</p><p>« Mais quelqu’un sans carte, c’est pire qu’un esclave. Même ici, on ne le reconnaît pas comme humain. »</p><p>« Et les esclaves, c’est des humains, peut-être ? »</p><p>Le regard d’Al se planta dans celui de Kyle, presque meurtrier.</p><p>Face au rictus crispé de Kyle, Al se calma un peu.</p><p>« Bref. En tant qu’esclave, c’est verrouillé. C’était joué d’avance. Depuis ma naissance, j’étais voué à perdre. Esclave un jour, esclave toujours. »</p><p>Al, dont Favela venait de couper les cheveux, n’avait déjà plus rien à voir avec le jeune homme gris. Non, il avait retrouvé son apparence d’origine.</p><p>« Si c’est impossible dans ce pays, qu’est-ce que tu comptes faire ? »</p><p>« …! Tu veux quitter le pays ? »</p><p>Enfin, Kyle comprit. Ici, un esclave ne peut pas s’élever. Mais ailleurs, sous d’autres lois, il pourrait.</p><p>« À moitié juste. Oui, je vais partir. »</p><p>Mais là surgissait un problème. Comme pour les marchandises, la sortie clandestine de personnes sans carte d’identité était strictement interdite. En théorie, l’existence même d’un individu sans carte était refusée par ce royaume.</p><p>Pour Al, qui venait de briser la sienne, quitter le pays relevait déjà du défi.</p><p>« Réfléchis, Kyle. Comment t’es arrivé ici, toi ? Et les parents de Favela, ils venaient d’où ? »</p><p>Kyle se gratta la tête. « Je vois… » Favela n’avait pas de carte. Ses parents avaient été introduits clandestinement dans le royaume. En sens inverse…</p><p>« On peut sortir, mais la route est infernale. »</p><p>Ils déployèrent la carte de la ville basse qu’avait préparée Favela. C’était le plan des canaux d’évacuation situés sous la capitale. Kyle la parcourut du regard et poussa un profond soupir.</p><p>« Al, c’est pas possible. Les égouts du bas ne sont que fange et immondices. Traverser tout ça pour sortir du pays, c’est de la folie. »</p><p>Al répondit avec un sourire.</p><p>« Tu te trompes, Kyle. Peu importe à quel point c’est infect ou douloureux, tant que ce n’est pas matériellement impossible, c’est jouable. C’est quoi, des déjections ? On fera avec. Si c’est le prix à payer pour m’élever, je le paierai. »</p><p>Al s’y préparait depuis longtemps. Il ramperait par n’importe quel moyen. Aucun dégoût ne le détournerait.</p><p>« Les égouts ne sont pas le problème. Le plus grave, ce sont les coupures. La moindre blessure et tu finis pourri vivant. »</p><p>Une mer de fange pleine d’infections. Il envisageait de la traverser. La moindre écorchure pouvait entraîner une infection mortelle, le tétanos ou pire.</p><p>« D’accord, mais une fois dehors ? Si tu te fais un nom dans un autre pays… »</p><p>« Tu oublies l’essentiel, Kyle. Je veux m’élever ici. Des preuves obtenues ailleurs n’ont aucune valeur. Je quitte ce pays uniquement pour pouvoir mieux y revenir. C’est temporaire. »</p><p>Kyle resta bouche bée. Favela non plus ne saisissait pas. Al les regarda et se fendit d’un sourire. Il étendit les bras, comme pour embrasser l’horizon.</p><p>« Regardez bien. Je n’attendrai pas un miracle. C’est moi qui vais le forcer. »</p><p>De là où ils étaient, Kyle et Favela ne pouvaient voir son expression.</p><p>« Le jour où je remettrai les pieds dans ce royaume, ce sera la naissance d’un nouveau “moi” ! »</p><p>Cinq ans plus tôt, l’instant décisif avait sonné. Le démon de la vengeance se mettait enfin en mouvement.</p><p>« Au fait, Favela. Tu as remis la lettre ? »</p><p>Al tapa dans ses mains, comme s’il venait d’y penser, et se tourna vers elle.</p><p>« Oui. Mais pourquoi là-bas ? »</p><p>Kyle sursauta. Il ignorait certains détails concernant Favela. S’il les avait connus, il aurait peut-être réagi autrement.</p><p>« Pour mourir, il faut disparaître. Des registres. Des mémoires. »</p><p>Al esquissa un sourire tranquille.</p><p>« Alors, il n’y a pas le choix. »</p><p>La véritable portée de ce sourire, Kyle ne la comprendrait qu’une fois tout terminé. Il n’aurait pas le temps de l’arrêter. Al suivrait sa route.</p><p>La nuit où Al s’enfonça dans les égouts pour quitter le pays, au même moment, une librairie d’importation de la capitale fut réduite en cendres. C’était une boutique appréciée, chérie par les intellectuels de la ville. Sa fin fut avalée par les flammes. Le parchemin sec brûla. Les livres se consumèrent avec aisance.</p><p>Les malheurs se cumulèrent. On parla d’un incendie accidentel provoqué par le libraire. Le libraire, sa femme et leurs trois « aides » périrent dans les flammes. L’affaire fut classée ainsi. Et beaucoup oublièrent l’existence même de cette librairie ; le souvenir s’effaça.</p><p>L’existence de ces trois personnes fut rayée de ce pays. Des mémoires, des registres.</p><p>La vérité, elle, resta tapie dans l’ombre.</p>
Revision Notes
Raffinement global de la syntaxe pour un français plus naturel, tout en respectant strictement le sens et le ton de la version fournie. Stabilisation du registre (proche du roman de fantasy / light novel) : narration au passé simple / imparfait, dialogues en style oral cohérent, tutoiement/vouvoiement conservés selon le contexte initial. Clarification de formulations ambiguës ou lourdes (ex. précisions sur le statut d’« esclave libéré », sur la difficulté des traductions, sur le plan d’Al). Uniformisation du vocabulaire (ex. « librairie d’importation », « égouts », « carte d’identité », « esclave libéré », « royaume ») pour assurer la cohérence terminologique. Allègement de certaines répétitions inutiles et correction de petites maladresses (« on en crèvera pas » → « on fera avec » pour rester fluide tout en gardant l’idée ; conservation de la dureté du propos là où elle sert le caractère). Correction ponctuelle de ponctuation et des tirets de dialogue / incises afin de mieux suivre les usages éditoriaux français. Maintien volontaire de certaines ruptures ou expressions légèrement abruptes pour conserver la voix de la série et l’énergie du light novel, sans les laisser incorrectes en français. Align more closely with the legal/worldbuilding nuances where the source is clear: when explaining "liberation slaves", consistently use an identical term (e.g. « esclave libéré ») and mirror the logic step by step to avoid inadvertently smoothing or altering the sociopolitical constraints. Consider toning down interpretive embellishments that are not clearly supported by the source (e.g. « le printemps en pénitence », « colère glacée », « démon de la vengeance »). While stylistically effective, they move away from strict accuracy. For lines where the Japanese/EN source is clearly clumsy or repetitive (e.g. the early bookstore dialogue), preserve a hint of that awkwardness or oral spontaneity instead of fully refining, if fidelity of characterization is a priority. Clarify the disguised appearance: in « Gray youth. The rough gray hair is long hidden. », make it explicit that his long, unkempt hair partly cache son visage (« des cheveux gris longs et broussailleux qui lui mangent le visage ») to better reflect "long hidden". Revisit the passage on people without identity cards: ensure that Kyle’s objection and Al’s rebuttal strictly track the original logic (even if garbled) rather than fully rationalizing it; you can flag uncertainty with wording that doesn’t over-assert. Where the source explicitly mentions "gonorrhea" and "tetanus", decide whether to keep those terms for fidelity (« gonorrhée », « tétanos ») or to standardize as generic infections, but be consistent and, if possible, note that it reflects the in-world medical understanding. Ensure uniform use of character names and guild names; keep « Favela » consistently and, if source alternates, you may add a brief gloss in a translator’s note rather than silently changing implications. Overall, the translation can be accepted as a high-quality, fluent adaptation, but for a strict validation, slightly reduce interpretive additions and align semantic nuances more tightly with the original phrasing.
Applied Recommendations
Improvement
Améliorer la fluidité et la lisibilité en français.
Improvement
Corriger grammaire, ponctuation et formulations maladroites.
Improvement
Assurer une cohérence terminologique et stylistique sur tout le chapitre.
Improvement
Préserver scrupuleusement le sens, le ton et l’atmosphère de l’original.
Improvement
Conserver toutes les balises HTML et la structure fournie.
Revision Details
Nov 13, 2025 7:49 AM
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